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à un haut degré de perfection. Ils ont des silences lourds de blâme, ou inquiétans comme une nuée chargée de grêle et de frimas. Je ne pouvais m’empêcher de le leur dire : ce manque de chaleur étonne chez les disciples d’une religion fondée sur l’amour et la charité ; cette défiance à l’égard des idées généreuses, ce souci prédominant des « réalités » ne laissent pas que de surprendre chez les serviteurs de Celui qui a dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde, » et qui a poussé jusqu’à la négation de ce monde transitoire l’affirmation de son Royaume idéal.

Mais je me hâte d’ajouter que, par leur supériorité intellectuelle, ils se placent immédiatement à la tête des partis politiques italiens. Avec les nationalistes, ce sont les plus cultivés, les plus originaux, les plus munis d’idées et les plus intéressans parmi ceux qui aspirent à diriger l’opinion. Les entretiens, que j’ai pu avoir avec quelques-uns d’entre eux, m’ont laissé une impression ineffaçable. C’est à la fois un charme et un grand profit que de les écouter. Ils discutent avec une abondance, une précision, une souplesse et un art admirables. Je songe, en écrivant ces lignes, à Ernesto Calligari, l’éloquent directeur du Cirtadino de Gênes, ou encore et surtout à Filippo Crispolti, une des personnalités les plus en vue du parti catholique, et qui, en maintes circonstances, a été le porte-voix autorisé du Vatican. Ce gentilhomme est non seulement un écrivain de race, qui joint à une extrême acuité d’esprit critique un sentiment très large de la nature et des grandes sources du lyrisme, mais un conférencier et un orateur qui domine de haut son auditoire. Nul ne m’a mieux expliqué et justifié l’attitude des catholiques italiens dans le conflit actuel. Tout ce que j’avais lu, observé ou entendu ailleurs prenait, à la clarté de ses commentaires, une signification nouvelle et moins paradoxale.

Il est certain qu’au début de la guerre, — en Italie autant qu’en Espagne, — il existait dans les milieux catholiques des préjugés très forts contre la France. La rupture de nos relations diplomatiques avec le Saint-Siège et notre loi de Séparation y avaient produit de tenaces ressentimens. L’hostilité non dissimulée de certains partis politiques français contre le catholicisme ne faisait qu’exaspérer ces rancunes. Et il faut bien le dire, ces rancunes des catholiques trouvaient un écho non