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pertes subies par la flotte. L’émotion avait été profonde et douloureuse, en ce matin surtout où, pour l’anniversaire du Roi, les drapeaux flottaient, avec un air de fête, sur tous les édifices de Cambridge. Le courage pourtant n’avait point fléchi, et rarement j’ai vu plus de stoïcisme calme à supporter ce qui d’abord sembla la mauvaise fortune. Le lendemain, — c’était un dimanche, — on célébrait dans la chapelle de King’s College les offices accoutumés. L’assistance était nombreuse et recueillie ; sous les hautes voûtes les chants montaient avec une ampleur solennelle et magnifique ; et parmi eux, un psaume était, à cette heure d’angoisse, singulièrement émouvant. Sur une musique de Mozart, qui de la gravité des paroles prenait en ce jour un sérieux inaccoutumé, le chœur implorait la protection du Dieu des batailles : « Arena stamus et pugnamus. Aduita nos. » Puis, aux supplications succédaient les paroles de confiance et d’espoir : « Pugnanti certa est, opilulante te, spes. » Certes, au fond de tous les cœurs, vivait le souvenir de la bataille, de la bataille dont on ne savait pas encore combien elle avait été glorieuse pour la marine britannique ; mais, plus forts que cette émotion, le dessein de lutter jusqu’au bout, la ferme espérance de vaincre emplissaient toutes les âmes. Sous les voûtes de la vieille chapelle universitaire, toute l’Angleterre religieuse et patriote vibrait à l’unisson du chant sacré, et l’Université, une fois encore, représentait, exprimait magnifiquement l’âme collective du pays.