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France et l’Angleterre combattaient pour des intérêts capitalistes et des appétits de conquête, aussi bien que l’Allemagne. » A la Chambre, le 20 mai de l’année dernière, lors de la déclaration de guerre à l’Autriche, M. Turati, personnalité éminente du socialisme officiel, refusa de voter la loi accordant pleins pouvoirs au gouvernement pour toute la durée de la campagne. Le surlendemain 22, la direction du parti socialiste italien publiait un manifeste, adressé aux prolétaires du pays, qui se terminait par ces mots : « A bas la guerre ! Vive l’Internationale ! »

Cependant, il est juste de reconnaître d’abord que la majorité des officiels n’a pas cessé de manifester ses sympathies pour l’Entente, et ensuite que leurs chefs, se retranchant dans un abstentionnisme paradoxal, n’ont rien fait pour entraver la mobilisation : pas d’excitation à la grève générale, au sabotage des voies ferrées et des munitions ! Beaucoup même, touchés par la mobilisation générale, acceptent d’accomplir strictement leur devoir militaire, mais sans enthousiasme et avec de perpétuelles restrictions de conscience. On les sent gênés dans leur attitude d’emprunt, tiraillés entre le souci de rester fidèles à leurs principes et la nécessité de suivre le mouvement national. J’avais demandé un entretien à l’un d’eux, maire d’une grande localité industrielle. Bien qu’il eût endossé l’uniforme, je le savais toujours en fonctions. Il se déroba par une lettre un peu sèche, où il était dit, en substance, qu’étant soldat, la discipline lui interdisait d’avoir aucune opinion sur l’actuel « imbroglio » de la situation politique internationale, mais que cela ne l’empêchait point de « souhaiter chaleureusement une pleine victoire aux armes de l’Entente, pour le Droit et la Liberté des nations. » C’était se tirer spirituellement d’embarras. Toutefois, j’avais de la peine à concilier la bénédiction finale avec les réticences du début.

Aujourd’hui même, alors que l’Italie s’engage de plus en plus dans la lutte, cette hostilité plus ou moins latente contre l’intervention ne semble point avoir faibli. En certaines villes, on m’assure que des municipalités socialistes s’abstiennent de participer à des œuvres de guerre, même lorsqu’elles sont purement de bienfaisance et d’assistance publique. Elles refusent de recevoir les parlementaires des pays alliés, même démocrates, s’ils viennent prêcher la résistance aux Empires centraux. Les