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réserves, environ 5 milliards de tonnes de minerais ; soit en partant des résultats actuels, une extraction de 47 millions de tonnes représentant 16 millions de tonnes de fonte. Mais ce serait un procédé très inexact que de multiplier le chiffre d’extraction par le bénéfice moyen obtenu sur une tonne et de capitaliser le résultat, ou encore que de faire un calcul analogue en partant des réserves. On arriverait peut-être ainsi à apprécier la valeur marchande des mines, on ne se ferait aucune idée de ce que peuvent représenter ces mines pour la fortune du pays. L’erreur serait analogue à celle que commettrait l’Etat en voulant apprécier l’utilité d’une voie ferrée projetée, uniquement d’après le produit net prévu. Dans un cas comme dans l’autre, il faut faire entrer en ligne de compte tout le mouvement industriel et commercial qui va résulter de l’exploitation minière ou de la voie ferrée. La tonne de minerai de fer lorrain ne vaut guère en moyenne sur la mine que 5 francs. Mais il en sort 350 kilogrammes de fonte brute valant une trentaine de francs, puis environ 60 francs de rails d’acier, et l’élaboration ultérieure continue à accroître une valeur, dont le minerai de fer a été le point de départ nécessaire. Un acier qui, grossièrement élaboré, vaut 150 francs la tonne, permet de fabriquer des machines, des navires, valant 1 500 francs la tonne. La source d’un fleuve n’est pas tout le fleuve, mais elle détermine le large cours futur de l’eau. Si l’on voulait calculer la valeur totale du gisement lorrain (Briey et Thionville) d’après son rendement industriel, on ne dépasserait pas 2 à 3 milliards de francs ; mais ces 2 à 3 milliards doivent aboutir à une richesse créée de près de 300 milliards.

Pour apprécier ce que représentent nos mines lorraines, il ne suffit pas d’aller visiter ces mines elles-mêmes, il faut encore voir toutes ces usines dont elles ont provoqué la création à Longwy, Mont-Saint-Martin, Senolle, Rehon, Micheville, Jœuf, Homécourt, Pompey, Neuves-Maisons. Il faut ensuite aller dans le Nord et le Pas-de-Calais vers ces autres usines qui ont trouvé préférable de se construire sur le combustible, mais également pour utiliser la fonte lorraine. Il faut enfin constater ce que deviennent des produits bruts dont la fonte lorraine est la base essentielle dans nos vieilles usines du Centre, au Creusot, à Saint-Etienne, à Montluçon. Et une visite semblable en Lorraine annexée nous montrerait les usines de Thyssen à