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trouvaient déjà les grandes usines de Novéant, Ottange, Ars-sur-Moselle, Hayange, Moyeuvre, Styring, avec leurs quarante-huit hauts fourneaux. Et la finesse normande de Pouyer-Quertier réussit à nous réserver, comme une sorte d’aumône, le coin de Villerupt, que Bismarck voulait d’abord prendre avec le reste :

— Vous prétendez donc, dit-il à l’Allemand, m’annexer aussi, moi, l’un des principaux actionnaires de Villerupt ?

— Allons, répondit Bismarck avec sa lourde affectation de bonhomie tudesque, ne pleurez pas, je vous laisse Villerupt ; mais ne demandez plus rien…

Si on avait alors soupçonné de l’autre côté du Rhin les résultats que devaient donner, d’abord les procédés de déphosphoration, puis les sondages de 1882-1896 autour de Briey, on nous aurait dépouillés plus complètement, et c’est cette erreur géologique que les industriels d’outre-Rhin ont tenté de réparer par la guerre actuelle.

Peut-être, en France, n’a-t-on pas compris assez vite, au début des hostilités, que le sort de la guerre, ou du moins sa rapide issue, pouvait se décider là. La place forte de Longwy, insuffisamment défendue, succomba comme on le sait et, sur les trois subdivisions du bassin, les deux plus septentrionales, celles de Longwy et de Briey, nous furent pour quelque temps soustraites ; la belle défense de Nancy sauva seulement le troisième groupe, le plus méridional, où se trouvent les mines de Maron-Val de Fer et les usines de Neuves-Maisons et dont la production atteint environ 2 millions de tonnes (contre 3 à Longwy et 15 à Briey). On a vu alors, dans la période où Berlin se pavoisait à toute occasion, les pangermanistes étaler leurs prétentions sur tout ce bel ensemble de mines : notamment sur le groupe de Briey qui constituait, pour eux, une proie bien tentante. De notre côté, nous n’avons jamais, depuis le moment où on nous a contraints à nous défendre, cessé, même aux heures les plus douloureuses, de revendiquer les territoires entièrement français de Thionville, où se trouvent toutes les mines devenues allemandes en 1871. La possession totale du bassin lorrain apparaît ainsi comme un des principaux enjeux de la lutte.

Cet enjeu, nous en avons déjà vu l’importance ; mais il faut maintenant additionner des chiffres qu’une frontière avait momentanément divisés en deux et tenter d’évaluer le total. On peut le faire de deux manières : soit en considérant les