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Si nous anticipons sur l’avenir et si nous considérons l’Autriche-Hongrie comme devenue la vassale de l’Allemagne, suivant les grands projets que l’on cherche actuellement à réaliser, nous ne trouvons également de ce côté qu’un faible appoint. La production de la monarchie dualiste, en voie d’accroissement très lent, n’atteint pas 3 millions de tonnes de minerais pour l’Autriche (Styrie, Carinthie et Bohême), 2 millions de tonnes pour la Hongrie (Banat et Transylvanie). Ces chiffres sont faibles et conviennent tout juste pour les usines austro-hongroises.

Nous sommes donc ramenés à considérer que la Lorraine est la grande ressource de minerais pour l’Allemagne, comme elle l’est pour la France. Sans elle, la situation de nos ennemis serait, en temps de paix, ce qu’est momentanément la nôtre en temps de guerre. Et cela est d’autant plus frappant que, malgré cet appoint essentiel, l’Allemagne était arrivée, dans les derniers temps, à importer environ un tiers du tonnage traité : surtout des minerais riches de Suède, auxquels s’ajoutaient quelques minerais également riches d’Espagne, mais aussi des minerais calcaires de Briey en Meurthe-et-Moselle. C’est en partie parce que les catégories de minerais correspondantes lui manquaient pour ses lits de fusion (car il n’y a rien de plus différent que deux minerais de fer, décorés du même nom sur les statistiques). Mais c’est encore plus parce que l’Allemagne témoignait, pour le fer, d’un appétit formidable et sans cesse croissant. On peut en juger par sa production de fonte qui, dans la période décennale 1900-1910, avait doublé, comme celle des Etats-Unis, et dépassé celle de la Grande-Bretagne, à peu près stationnaire. En chiffres ronds, les productions de 1912 se chiffraient : pour les Etats-Unis, par 30 millions de tonnes ; pour l’Allemagne, par 16 ; pour la Grande-Bretagne, par 9 (moins qu’en 1908) ; pour la France, par 5 millions de tonnes et la proportion était à peu près la même pour l’acier. En 1913, l’Allemagne dépassait 19 millions de tonnes. Cela explique comment, tandis qu’en 1907 l’Allemagne exportait encore, en résumé, 600 000 tonnes de minerai de fer vers la France, elle était arrivée en 1913 à en importer de France 3 millions de tonnes et 9 millions de tonnes d’autres pays.

Depuis la guerre, cette importance du gisement lorrain pour l’Allemagne n’a fait que s’accentuer, puisque nos ennemis