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Nivernais, le Maçonnais, la Bourgogne, la Lorraine, le Jura, l’Anjou, le Tarn ou les Pyrénées. Sur notre grand gisement lorrain, en particulier, des restes de travaux certainement antérieurs au VIe siècle existent à Chavigny, Ludres, Messein, etc. Quelques-uns de ces gisemens antiques, en Lorraine, dans les Pyrénées, dans l’Anjou, se trouvent dans des régions encore exploitées actuellement ; mais on y utilisait des minerais d’une autre nature. Il ne s’agissait pas alors, comme aujourd’hui, d’opérer sur de grandes masses, avec des moyens puissans permettant de traiter des minerais pauvres et d’épurer des minerais impurs. On recherchait, avant tout, les facilités de fusion et les substances donnant spontanément de bonnes qualités de fer.

Ce dernier point était particulièrement important alors qu’on ignorait la chimie et qu’on ne pouvait deviner à quoi tenaient les défauts ou les qualités d’un métal. Le fait même que l’on traitait au hasard des minerais de surface fusibles conduisait à obtenir souvent des fers phosphoreux et cassans, auxquels on préféra longtemps avec raison le bronze. Il y avait donc des réputations locales, dont quelques-unes ont traversé les siècles, comme, en Orient, celle des fameux aciers de Damas. Chaque petit groupe de métallurgistes installait provisoirement un atelier semblable à une forge, avec un bas-foyer dont le type s’est perpétué dans le four catalan, sur un endroit où existaient quelques minerais superficiels, quand ce gisement se trouvait au voisinage d’une forêt pour fournir le combustible (ce qui était alors très général) et de préférence près d’un cours d’eau pour actionner mécaniquement le soufflet destiné à donner le vent. Le gisement épuisé, on transportait aisément les installations un peu plus loin. Ces fondeurs de fer étaient souvent des quasi-nomades, comme ces Chalybes du Pont qui créèrent la métallurgie dans les pays gouvernés plus tard par Mithridate, ou comme ces Kabyres antiques dont la légende compliquée laisse deviner des sortes d’alchimistes ayant découvert plus d’un secret chimique qui les rendait redoutables : notamment, celui du vitriol.

Une telle façon d’opérer, qui s’est poursuivie pendant tout le Moyen Age et, en somme, jusqu’à la naissance de la métallurgie moderne à la fin du xviir3 siècle, a couvert notre pays d’innombrables « Ferrières, » dont les noms se retrouvent un peu partout, là même où nous ne voyons plus rien d’utilisable, et appellent l’attention sur des minerais, auxquels nous