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qu’on a publiés. Il y a les devoirs déjà virils de garçons ; il y a les devoirs charmans de fillettes qui expliquent pourquoi elles tricotent et continueront de tricoter. Interrogées sur la notion de sacrifice, des jeunes filles plus âgées écrivirent des pages à faire frémir par ce qu’elles laissaient deviner d’expérience déjà douloureuse. Ainsi il y a eu entre l’école et le pays un constant unisson.

Elle fut même en liaison avec le front, et les professeurs ou instituteurs soldats ont été les agens naturels de cette liaison. C’est eux qui commencèrent, et dès la rentrée d’octobre 1914. La pensée de la classe abandonnée se présentait mélancolique à eux, et ils écrivirent. Ils écrivirent à des collègues, souvent même directement aux enfans. Ces lettres expriment vraiment, quoique avec simplicité, l’offrande collective que fait d’elle-même une génération à celle qui la suit. « Nous voulons, dit un maître, effacer des jeunes fronts le stigmate des vaincus qui nous a tant brûlés. » Et ils ne demandent aux enfans, pour les payer de leur sang, que de bien faire leur métier d’enfans et d’être de bons élèves, conseils parfois simplement touchans, mais qui prennent parfois aussi l’accent d’une dernière volonté. Les élèves répondirent. Et l’habitude se prit d’une correspondance entre la classe et le maître d’hier qui reste de cette façon le maître d’aujourd’hui. Le ton s’abaisse quelquefois et le maître raconte ce qu’il sait intéresser les enfans, et par exemple les exploits de leurs petits contemporains du front, dédaigneux de l’obus. On devra faire un recueil des plus significatives de ces lettres. Puis il arriva que des naïves réponses qui leur parvinrent, et de cette tendresse admirative qu’ils sentaient comme un flot monter vers eux, les maîtres reçurent, au milieu des dangers qu’ils couraient, comme un rafraîchissement. Le bienfait de leurs lettres à eux leur était rendu. D’autres fois, c’est avec les pères mobilisés que le maître, qui ne l’est pas, organise une correspondance, les tenant au courant du travail de leurs enfans, et excitant le zèle de ceux-ci par l’idée même de ces rapports qui vont si loin. De cette façon encore, la liaison s’établit.

Quand le maître revient du front, quand il revient avec un galon, une citation, les scènes les plus émouvantes ont lieu. L’école attire le maître, en effet. « Le général m’a accordé un congé de trois mois, écrit l’un d’eux à son chef. Je suis arrivé