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Mais il ne leur suffit pas d’une reconnaissance platonique et sommaire ; ils tiennent à préciser, comme ils disent, « les nécessités historiques » et « les nécessités dynamiques » de leur pays. Ils veulent en amorcer dès maintenant la réalisation. Ils revendiquent l’hégémonie dans l’Adriatique et la liberté d’expansion dans la Méditerranée orientale. Ils nous somment de choisir entre eux et les Grecs et aussi les Slaves balkaniques. Qu’on ne vienne pas leur parler d’un jugo-slavisme, ou d’un panhellénisme ridicules ! Ils réclament le Dodécanèse, la région d’Adana, peut-être Smyrne et l’Asie Mineure. Que ne réclament-ils point ? La vastità romana, l’immensité romaine, est leur idéal.

Hâtons-nous d’ajouter que, ces « droits italiens » une fois affirmés comme imprescriptibles, ils se déclarent résolument et sans restriction nos alliés. Ils préconisent même une alliance durable, qui devra subsister après la guerre, tant qu’elle sera compatible avec l’intérêt de l’Italie. Pour le moment, ils font appel à toutes les énergies belliqueuses de la nation ; ils exigent une action militaire de plus en plus étendue et de plus en plus intense. Ils réprouvent toute hésitation et toute arrière-pensée. Personne ne flagelle plus impitoyablement, dans les milieux politiques ou administratifs, les négligences, les faiblesses et les compromissions. Quoi qu’on en puisse penser, il est certain que ce petit groupe, très remuant et très actif, a une conscience extraordinairement aiguë des ressources actuelles et des destinées futures de la jeune Italie : secrètement, ces farouches patriotes ont des complices dans la nation entière, dont ils flattent les appétits d’expansion et de conquête. Peut-être seulement sont-ils un peu trop pressés. Dans leur ardent désir de grandeur nationale, ils suppriment en imagination les obstacles, les lacunes et les insuffisances du moment, et ils traversent au vol les espaces qui les séparent encore de l’avenir.


C’est de quoi ils sont blâmés par leurs intimes adversaires, les libéraux, les gens de juste milieu. Ceux-ci dénoncent la mégalomanie des nationalistes. Ils s’irritent contre un zèle trop bouillant, qui risque de tout compromettre avant l’heure.

Pour eux, ils sont beaucoup moins affirmatifs, beaucoup moins tranchans et aussi beaucoup moins embrassans dans