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Ce n’était pas seulement une armée qui relevait sa puissance militaire, c’était une nation qui restaurait sa discipline morale. Toutes les vertus nécessaires à l’existence d’un peuple germaient dans la fécondité du sang répandu. Ainsi notre soldat conservait à la France plus que le sol convoité par l’envahisseur, il reconquérait à la France le respect du monde. L’Espagne surtout, que sa fidélité aux vieilles croyances avait rendue plus hostile à ce qu’elle croyait être notre reniement national, fut surprise et troublée dans les quiétudes de ses malveillances par ces revanches éclatantes du sentiment religieux. Contre le gouvernement d’esprits forts qui mettaient leur supériorité à épaissir la nuit sur la destinée humaine et leur bienfaisance à arracher les ailes de l’espérance, l’Espagne gardait ses griefs. Mais elle voyait ces ailes, victorieuses des mutilations, s’élever au-dessus de la misère terrestre vers les vérités qui sont la paix, la lumière et la noblesse de la vie. Et si certains avaient voulu, durant la paix, faire la solitude autour de, la croix, ils se trouvaient eux-mêmes isolés dans une France de soldats qui entourait de ferveur le signe le plus auguste de la rédemption par le sacrifice.

Si le gouvernement d’hier et la nation d’aujourd’hui n’étaient pas la même chose, la nation n’avait pas une part nécessaire dans toutes les erreurs du gouvernement. Voilà l’évidence qui s’imposait aux animosités les plus tenaces de l’Espagne. La face véritable de la France était apparue. Le témoignage des faits, de faits accomplis par tout un peuple, avait précédé le témoignage des paroles qu’apportaient en Espagne les quelques pèlerins partis de l’Institut. Ils ne représentaient pas le gouvernement, ils venaient en témoins. Ce fut la meilleure chance de leur entreprise. Car pour combattre les droits d’une race à la tyrannie sur l’univers, les plus solides défenses étaient précisément les traditions qui avaient été le passé commun de l’Espagne et de la France.


ÉTIENNE LAMY.