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nous avons avec nos Alliés une communauté de joies et de douleurs; nous devons avoir, et, — ce qui vaut mieux, — nous avons en commun les fins immédiates et les fins les plus lointaines de la guerre. Pour le matériel de guerre, dont la consommation dépasse toute prévision humaine, nous donnons et nous recevons, avec une mutuelle générosité, tout le secours possible. » La « puissante offensive » des Autrichiens aux limites du Trentin, leur ruée vers la plaine fait que l’Italie soutient, en ce moment, une dure épreuve. Mais si c’est encore l’heure de la vigilance et du souci, l’heure de l’angoisse est déjà passée. Il faut élargir ses vues, ne point regarder seulement un coin de l’immense champ de bataille, ne point penser seulement à soi, mesurer et peser le travail que font les autres, et auquel aident grandement la résistance que l’on oppose et la peine même que l’on supporte. Surtout il ne faut ni subir ni, bien pis, affecter ou provoquer du découragement. « C’est une besogne néfaste, même si elle est inconsciente, que celle des gens qui répandent de soudaines alarmes et propagent des idées noires; ils échappent d’autant plus aisément à la répression que leur action ne se borne pas aux couches populaires, mais s’étend jusque dans les plus hautes sphères sociales et politiques, où elle devrait être aussitôt corrigée et étouffée par une réaction spontanée du milieu. » Sans doute des erreurs ont-elles pu être commises, et peut-être des fautes. Ici M. Salandra a prononcé une phrase qui, relevée avec habileté, détournée de son véritable sens, et interprétée tendancieusement, allait fournir un prétexte à l’attaque. Par ses mauvaises frontières, si artificieusement tracées en 1866 afin de laisser à l’Autriche la porte toujours ouverte, l’Italie eût été, en tout état de cause, placée dans des conditions défavorables pour empêcher que la poussée de l’ennemi n’obtienne un premier et rapide succès. « Cependant, il convient de reconnaître virilement que des défenses mieux préparées. (le compte rendu officiel note, en cet endroit : commentaires vifs et prolongés, suivis d’un tumulte de voix incompréhensible); il convient donc de reconnaître que des défenses mieux préparées l’auraient, à tout le moins, arrêtée plus longtemps et plus loin des bords de la zone montagneuse. »

Ainsi le gouvernement entrait en conflit avec le haut commandement ; le président du Conseil blâmait le général en chef ; et Salandra venait de découvrir Cadorna ! Rien de moins vrai ; rien de plus étranger à la pensée et aux intentions de l’orateur, qui, tout au contraire, s’appuyant sur l’opinion du haut commandement, du général Cadorna lui-même, faisait allusion aux négligences punies par la