Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résistance augmente très vite avec la vitesse, comme le carré de celle-ci, c’est-à-dire que, pour une vitesse double, la résistance est quadruple. Sur un objet qui se déplace à 100 kilomètres à l’heure, cette résistance est donc 100 fois plus forte que sur le même objet à la vitesse de 10 kilomètres à l’heure. La révélation de cette énorme résistance aérienne aux grandes vitesses est une des sensations les plus nettes et les plus curieuses que j’aie eues lors de mon premier vol : c’était dans un petit biplan Bréguet, faisant près de 150 à l’heure ; soigneusement tapi derrière la lucarne en celluloïd transparent du capot, et voulant signaler un objet intéressant au pilote placé derrière, il me souvient que mon bras inconsidérément étendu hors du capot fut aussitôt projeté vers l’arrière avec une violence qui me rappela aussitôt que nous ne volions pas dans le vide.

La résistance qu’exerce l’air sur un avion peut être, comme je l’ai déjà expliqué, ramenée à deux composantes : l’une qui s’exerce de bas en haut, et qu’on appelle va poussée, l’autre qui s’exerce perpendiculairement à la poussée, en sens inverse de la marche de l’appareil, et qu’on appelle la traînée. Lorsqu’on vole horizontalement, il s’établit un équilibre tel qu’évidemment la poussée est exactement égale au poids de l’appareil, et la traînée exactement égale à la traction de l’hélice. La poussée est la composante utile, puisque c’est elle qui soulève et soutient l’avion, la traînée est la composante nuisible, puisque c’est elle qui empêche l’avion d’avancer ; elle mesure la résistance passive de l’appareil à l’avancement. Un avion sera donc, toutes choses égales d’ailleurs, d’une qualité d’autant meilleure que la traînée sera plus petite et la poussée plus grande. C’est pourquoi on est convenu d’appeler finesse d’un avion, le rapport de sa traînée à sa poussée correspondant à l’angle d’attaque le plus favorable.

La finesse moyenne des bons avions est de 0,14 environ, c’est-à-dire que la traction nécessaire à la marche horizontale, dans les meilleures conditions, est égale aux 14 centièmes du poids total de l’avion, c’est-à-dire encore, pour prendre un exemple, qu’un tel avion pesant 500 kilos, subira en vol horizontal une traction de son hélice égale à 70 kilog. Dans certains avions particulièrement bien étudiés, la finesse atteint même 0,12, c’est-à-dire qu’une force de 12 kilos par 100 kilos de leur poids suffit à les faire voler horizontalement.

À ce propos, les aérotechniciens qui ont établi ces définitions me permettront, avec tous les égards dus à leur science, de leur faire une remarque : plutôt que d’appeler finesse d’un avion le rapport de sa traînée à sa poussée, il aurait été beaucoup plus logique d’appeler