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encore, en Italie, des germanophiles et, — Dieu leur pardonne ! — des austrophiles. Mais ne craignons pas de l’avouer ! Nos ennemis n’en peuvent tirer contre nous aucun avantage. Il convient même de mettre en pleine lumière ces petites divergences, pour éviter, dans l’avenir, des malentendus ou des surprises. Du moment que l’entente s’impose à nos voisins, aussi bien qu’à nous, comme une nécessité vitale et inéluctable, toutes les intrigues de nos adversaires, tendant à profiter de ces divergences, ne réussiront pas à l’ébranler. Leurs tentatives maladroites ne feraient qu’exciter davantage contre eux la majorité interventionniste et même provoquer des froissemens irréparables dans les milieux restreints qu’ils cherchent à conquérir ou à garder dans leur clientèle.

Encore une fois, n’ayons pas peur de le dire : il est trop certain qu’une partie du clergé, toute une catégorie d’intellectuels, — principalement parmi les universitaires, — d’officiers en retraite, de hauts fonctionnaires, de parlementaires, d’industriels et de commerçans, d’hommes de banque et d’hommes d’affaires, qu’une minorité, en somme très restreinte, conserve, après un an de guerre, des inclinations plus ou moins secrètes pour l’Allemagne. Mais ce n’est qu’une minorité honteuse. Pour bien comprendre cet état d’esprit, il faut se rappeler ce que les Italiens ne cessent de nous répéter : c’est que l’Italie n’a pas été attaquée, ni envahie comme la France, et que « l’union sacrée » n’a pas pu s’y produire spontanément, comme chez nous, sous la menace de l’étranger. Ils nous font observer d’ailleurs que cette union sacrée nous a coûté cher et que, pour qu’elle se produisît, pour fermer la bouche à nos pacifistes et à nos socialistes, il a fallu laisser violer notre frontière. En outre, on ne doit pas oublier quel prestige l’Allemagne exerçait, en Italie, avant la guerre, et cela dans tous les domaines de l’activité nationale. Comme l’écrit Guglielmo Ferrero, dans son beau livre, La guerre européenne : « Tout le monde, en Italie, était devenu germanophile. » L’Allemand pénétrait partout. On s’accorde même à reconnaître, chez nos voisins, que cette invasion fut momentanément bienfaisante. Aujourd’hui qu’on s’évertue à purger la fameuse Banca commerciale de toutes ses infiltrations germaniques, un nationaliste fervent n’hésite pas à proclamer que cette institution rendit des services à son heure : « Les Italiens intelligens, dit Enrico Corradini, se rendent