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imaginiez son œuvre sur le rivage méditerranéen, parmi nos clairs oliviers, parmi nos lauriers sveltes, sous l’éclat glorieux du ciel latin, vous la verriez pâlir et se dissoudre.

« Puisque, selon sa propre parole, il est donné à l’artiste de voir resplendir dans la perfection future un monde encore informe et d’en jouir prophétiquement par le désir et l’espérance, je vous annonce l’avènement d’un art nouveau ou renouvelé, qui, par la simplicité forte et sincère de ses lignes, par sa grâce vigoureuse, par l’ardeur de ses inspirations, par la pure puissance de ses harmonies, continuera et couronnera l’immense édifice idéal de notre race élue. Je me glorifie d’être latin, et, veuillez me pardonner… en tout homme de sang différent, je ne reconnais qu’un barbare. »


De tout notre esprit et de tout notre cœur, unissons-nous à cette conclusion, à l’expression d’un pareil vœu, à l’annonce, à la promesse d’un si bel avenir. Il nous plait que d’aussi fières paroles nous soient venues de Venise, de cette Venise où, naguère, le romancier-poète glorifia l’Italie, où, blessé, le poète-soldat hier encore souffrait pour elle. Sous le ciel, au bord des flots, que ses yeux rouverts peuvent de nouveau contempler, qu’il reçoive notre hommage et nos actions de grâces. Parlant de musique toujours, et toujours à Venise, ne disait-il pas aussi : « Réaffirmons le privilège dont la nature a ennobli notre sang latin. » Et nous pareillement, nous, Français, nous le réaffirmerons par les arts, après l’avoir rétabli par les armes. Musiciens, mes frères, il nous appartiendra de libérer la musique de France après la terre française, et de ne plus souffrir que l’air natal, sur les lèvres de la patrie, module des chants étrangers.


CAMILLE BELLAIGUE.