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eaux des mers tertiaires, venant du Nord, ont envahi le bassin de Paris. Les sables qu’elles ont laissés près de leurs rivages, et qui se sont couverts de bouquets de bois, rappellent encore leur présence. Les rivières, sur le fond desséché du golfe, coulent encore suivant sa pente. Et il est curieux, mais non pas surprenant, de voir, après des milliers de siècles, le flot des armées suivre le même chemin que jadis le flot des mers.

Militairement, ce golfe se présente sous la forme d’une trouée, large d’une trentaine de kilomètres à son goulot le plus resserré, entre l’Escaut à gauche et la Sambre à droite. Dans les plans de défense faits après la guerre de 1870, cette trouée, grand’route obligée de l’envahisseur, devait être solidement barrée par une ligne de quatre places : à gauche, Condé et Valenciennes sur l’Escaut ; au centre, le Quesnoy ; à droite, Landrecies sur la Sambre.

Cette barrière qui constituait la position centrale, le point d’appui de l’armée de campagne, avait en outre une position avancée qui l’éclairait et qui était Maubeuge. Mais on comptait peu sur cette place, qui pouvait être débordée dès le début des hostilités.

On considérait comme peu probable que l’ennemi jetât de grandes forces plus à l’Ouest, dans les Flandres. Toutefois, on admettait que Lille, à cause de son importance, devait être défendu. Entre Lille et la gauche de la position centrale, deux rivières, affluens de gauche de l’Escaut, formaient deux fossés successifs : le plus avancé était la Scarpe, qui se reliant vers Douai à la Deule formait avec elle un fossé continu entre l’Escaut et Lille ; en seconde ligne, cette coupure était redoublée par la Sensée.

A l’Ouest de Lille, les vieilles places d’Aire et de Saint-Omer, qui pouvaient, en cas de guerre, être armées d’ouvrages semi-permanens, faisaient liaison avec le camp retranché formé au bord de l’Océan au moyen des quatre anciennes places de Dunkerque, Calais, Gravelines et Bergues.

Sur la droite, le noyau défensif entre Escaut et Sambre était prolongé par une région naturellement facile à défendre, la Thiérache, où les taillis et les forêts se prêtent à une défense pied à pied. L’envahisseur devait y trouver nos avant-postes établis dans les bois, entre Landrecies et Rocroi, sur de bonnes