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républicains viennent à Rome ! Ils verront comme ils seront reçus !

Cette neuve et ardente sympathie fait que nous nous comprenons mieux, que nous sommes plus justes les uns pour les autres, — que, réciproquement, nous voyons nos défauts avec des yeux moins prévenus.

Une chose, dès l’abord, nous charme chez nos voisins, non pas comme une découverte, mais comme un don merveilleux, auquel les circonstances donnent un prix plus grand : leur intelligence si complexe, si brillante et si souple. Une discussion avec un Italien, même de moyenne culture, est un véritable régal intellectuel. Quelle subtile entente des nuances ! Plus je discutais avec eux, plus je m’en ébahissais. Quels chatoiemens, quelle opulence de colorations déploie devant vous une conscience italienne ! Nul n’a plus qu’eux le sentiment du pour et du contre. Nul ne pousse plus loin l’horreur des distinctions brutales, des affirmations tranchantes. Un écrivain catholique, à qui je proposais des conclusions peut-être un peu trop pressantes, me disait :

— Pour vous, il y a le oui, ou le non. Pour nous, il y a les raisons que voici en faveur du oui, et les raisons que voilà en faveur du non !

Cette intelligence si prudente, si avisée, si positive, si pratique, — si essentiellement politique, — ne peut pas dégénérer en sophistique maladive. Ce qui nous étonne le plus, chez les Italiens, c’est leur bel équilibre mental. La logique, chez eux, n’abolit jamais le sentiment. Ce sont des passionnés lucides. Ils s’émeuvent, s’exaltent, se précipitent avec fougue sur l’objet de leur amour ou de leur aversion, mais leur jugement reste libre. L’exaltation une fois tombée, la sévère raison revient compléter ou corriger les intuitions tumultueuses du sentiment. Un riche fond de santé et de vigueur physiques les empêche de verser dans les rêveries décadentes et malsaines, dans les mièvreries et les raffinemens morbides du dilettantisme, ennemi de l’action. J’avais en quelque sorte la vision immédiate de cette psychologie, en écoutant tel écrivain en renom, tel chef de parti, tel professeur d’université. Dans les yeux bruns, et comme voilés d’une buée chaude, de l’interlocuteur, on sentait jaillir toutes fus sources de la vie animale. Poil noir et dru, prunelles dorées et profil de bouc,

Faune, ayant de la terre encore à ses sabots,