Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous, ils ont ressenti une grande part de nos angoisses au lendemain de Charleroi. Ils se sont réjouis de notre victoire après la bataille de la Marne. En même temps qu’une joie fraternelle, ç’a été, pour eux, — il faut bien l’avouer, — une réconfortante surprise. Les scandales qui s’étaient produits en France avant la guerre, et surtout certain procès retentissant nous avaient fait tomber très bas dans l’opinion italienne. On nous croyait finis. Et voilà qu’au contraire l’épreuve suprême devenait, pour nous, une véritable résurrection. Depuis Verdun principalement, l’estime grandissante de nos voisins s’est changée en la plus unanime admiration. La Commission des parlementaires italiens, qui récemment a visité notre pays, est revenue émerveillée de son voyage au front. L’un d’eux, le sénateur Maggiorino Ferraris, l’éminent directeur de la Nuova Anlologia, me disait combien il avait été frappé de l’altitude si digne et si fière de notre Paris, — un Paris renouvelé, purifié de toutes les lies et de toutes les lèpres cosmopolites, — et aussi quelle impression de force et de sécurité lui avaient laissée nos travaux de défense autour de Verdun et l’ensemble de notre organisation :

— Après la Marne, me disait-il, les pessimistes pouvaient croire que c’était là une réussite désespérée, une victoire sans lendemain. Mais maintenant il n’y a plus moyen de douter. Une résistance contre laquelle se brisent, depuis deux ans, les assauts les plus furieux et les plus formidables qu’on ait vus, apparaît bien comme inébranlable…

Un député catholique, qui, autrefois, n’était pas tendre pour la France, a tenu à exprimer publiquement, dans une conférence très applaudie, son revirement d’opinion. Il a fait amende honorable au Paris nouveau et il a exalté l’héroïque résistance de la France entière. Ces sentimens de haute admiration chez les parlementaires deviennent de l’enthousiasme chez les gens du peuple qui connaissent, ou qui ont seulement traversé notre pays depuis la guerre. Outre des ouvriers, j’ai pu interroger quelques-uns des carabiniers royaux, qui, dernièrement, sont venus à Paris, avec leur musique, pour le concert du Trocadéro. Les exclamations les plus chaleureuses, les épithètes les plus superlatives ont accueilli mes questions :

— Paris !… Votre immense métropole ! Prodigieux ! Admirable ! Nous n’oublierons jamais cette réception ! Nous avons été traités comme des souverains ! Ah ! que vos gardes