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Naturellement, les Allemands avaient saisi dès l’automne de 1914 une région si importante et ils avaient couvert le revers Sud, du côté des Français, en fortifiant le village avancé de Carency : il a fallu les combats épiques qui ont duré tout l’hiver et qui se sont terminés en mai 1915, pour la rendre aux Français. L’éperon de Lorette a été attaqué de trois côtés : de l’Ouest, sur l’éperon même, par les bois de Bouvigny ; du Nord-Ouest, le long de la route d’Aix-Noulette à Souciiez ; du Sud, enfin, où il s’abaisse par des éperons festonnés sur un premier palier à 130 mètres, qui porte Ablain-Saint-Nazaire, et qui est lui-même bordé par une vallée, à 80 mètres, où se trouve Carency.

Le 7 décembre 1914, les Français enlevaient des tranchées au Sud de Carency. Du 17 au 20, sur la colline même, ils refoulaient les Allemands vers l’Est. Le 15 janvier 1915, énergiques contre-attaques des Allemands, qui reprennent des tranchées tant sur la colline que devant Carency. Mais dans la nuit du 6 au 7 février, les Français font sauter une mine et arrivent aux lisières du village. Le 3 mars, les Allemands gagnent de nouvelles tranchées sur la colline, mais, le 4 et le 6, d’énergiques contre-attaques reprennent le terrain. Une lutte furieuse se prolonge. Le 16, les Français enlèvent trois lignes de tranchées et font un progrès important. Ils sont assez avancés pour prendre à revers, le 19, les lignes de communication qui descendaient de la crête vers Ablain, par le grand Eperon. Ce succès était complété le 15 avril par une brillante attaque à la baïonnette, qui nous mettait aux lisières d’Ablain.

Telle était la situation au début de mai ; sur la colline, nous étions à un kilomètre à l’Ouest de la chapelle de Notre-Dame de Lorette, ayant devant nous cinq lignes de tranchées blindées et bétonnées, appuyées par des fortins, dont l’un avait des abris jusqu’à 14 mètres de profondeur. Ces tranchées se prolongeaient au Nord jusqu’à la route d’Aix-Noulette ; sur le flanc Sud de la colline, les Allemands tenaient Ablain et Carency. Carency formant l’angle méridional de la ligne, était puissamment défendu : quatre lignes de tranchées, une garnison de quatre bataillons et six compagnies de pionniers. Le 9 mai, à six heures du matin, les Français commencèrent l’attaque par un formidable bombardement. 20 000 obus tombèrent sur Carency, pendant que 17 mines explosaient sous les pieds des Allemands. A dix heures, l’assaut fut donné. Devant Carency, les tranchées furent