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roues et des buissons foulés ; sur quoi l’un d’eux, le vieux Grégoire, s’écria :

— Voilà donc la solution du mystère ! Ces Allemands ont pris pour cachette la Grotte de Diane !

En effet, une porte nouvelle avait été pratiquée sur ce côté de la grotte, mais très habilement dissimulée, au dehors, sous un amas de branchages. La porte était fermée d’un fort cadenas, dont nos hommes réussirent pourtant à détacher les vis. Après quoi, il leur suffit d’un coup d’œil à l’intérieur de la grotte pour découvrir que celle-ci était toute remplie de bidons et d’obus. Inutile de te dire que je me suis empressé d’aller voir, à mon tour ! J’ai trouvé là, dans cette grotte, des milliers de bidons de pétrole, et parmi les obus j’en ai observé un bon nombre d’énormes, dépassant de beaucoup les dimensions ordinaires, si bien qu’il m’a été impossible d’en emporter un seul et que j’ai dû me borner à en prendre mesure. Voilà, mon cher ami, ce que j’avais à t’apprendre, et puis aussi que, dès ce soir, en te quittant, je compte revenir à la grotte pour mettre le feu à toutes ces munitions, traîtreusement déposées par l’Allemagne en territoire belge !


Car s’il semble bien que le gouvernement belge, — pareil en cela, hélas ! à tel autre qui nous touche encore de plus près, — ne se soit pas suffisamment défié de cette dangereuse « traîtrise » de ses hôtes allemands, nous apprenons de M. Shanahan qu’un bon nombre de « particuliers » des régions wallonnes l’ont, au contraire, très vite devinée, et de toute leur âme se sont ingéniés à lutter contre elle. Il y a ainsi, dans le roman anglais, un groupe de patriotes de tout âge et de toute condition qui, dès les premiers chapitres et jusqu’au dénouement, nous sont montrés prêts à sacrifier leur repos et leur fortune, leur vie même au besoin, pour empêcher les progrès publics ou cachés de cette « germanisation » de leur sol national, — un beau groupe d’obscurs et admirables héros, au premier rang desquels se dresse la vivante figure d’un prêtre de village, l’intrépide Père André.

Là-dessus comme sur bien d’autres points, l’œuvre éminemment ingénue du nouveau romancier a pour nous une très précieuse portée instructive : nous y voyons se déployer librement cet esprit singulier d’initiative individuelle qui appartient en propre au caractère wallon, et contraste de la manière la plus radicale avec le profond besoin d’obéissance de toute âme allemande. Soumis à l’obligation d’une stricte discipline, les Calay et les Simonnet n’auraient peut-être pas de quoi devenir d’aussi excellens soldats que les compatriotes du colonel Wagner et des frères Lehmann : mais avec quel mélange incomparable d’intelligence pratique et de noble enthousiasme chacun d’eux s’efforce de mener à bien les pénibles missions