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irlandaise, M. Richard Shanahan, qui, sans l’ombre d’apprêt et avec la simplicité ingénue d’un enfant, nous expose à cette heure ce qu’il a pu découvrir des moyens employés par l’autorité allemande, entre les années 1911 et 1914, pour assurer le succès d’une prochaine entrée de ses troupes en territoire belge.


Le roman commence à Malmédy, le soir du 6 septembre 1911. A peine revenu de son voyage quotidien à Stavelot, et avant même de prendre le temps de dételer les deux chevaux de sa diligence, le conducteur Fritz est allé faire son rapport au capitaine Wagner, — le futur colonel du massacre de Francorchamps. La voiture n’a amené, ce soir-là, qu’un seul voyageur : un jeune Belge de Stavelot, Jules Calay, tout nouvellement rentré dans son pays après trois années de service dans l’armée du Congo. Le jeune homme va passer la soirée chez ses cousins de Malmédy, les Simonnet, dont on dit que l’unique fille s’est fiancée avec lui au moment de son départ pour l’Afrique ; et Fritz ajoute que, déjà, il a retenu sa place dans la diligence peur retourner à Stavelot le lendemain matin.

— Voilà un retour qui pourrait bien se trouver empêché ! répond le capitaine Wagner. En tout cas, Fritz, aie soin de venir prendre mes ordres demain matin à sept heures !

Car le fait est que, dès cette date, l’Allemagne est sur le point d’entreprendre le « coup » longuement préparé. C’est ce que nous apprend dans la suite du chapitre, en même temps qu’elle le révèle au Belge Jules Calay, une vieille servante de l’hôtel du Lévrier Blanc à Malmédy, dont le cœur de Wallonne s’accommode de plus en plus malaisément du très lourd fléau de la domination allemande, — imposé jadis à sa ville par un étrange caprice de la diplomatie internationale. Mais aussi bien dirait-on que les Allemands s’efforcent à dessein, depuis plusieurs années, de faire sentir plus durement aux habitans de Malmédy le poids de ce fléau. Après leur avoir naguère permis le libre emploi de la langue française, les voilà qui se sont mis à vouloir l’interdire par tous les moyens, punissant avec une rigueur implacable les prêtres et maîtres d’école qui ne se résignent pas, d’emblée, à prêcher ou à enseigner en langage allemand ! De jour en jour, maintenant, toute espèce d’obstacles viennent entraver l’ancien échange de rapports familiers entre Malmédy et sa sœur jumelle de l’autre côté de la frontière, cette ville de Stavelot qui, tout au long des siècles, lui est restée unie, sous la commune, et légère, — autorité paternelle d’un même Prince-Abbé. Avec cela, un véritable