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Si donc les Anglais veulent prendre en Egypte une partie des forces qu’ils y ont immobilisées pour défendre le canal, l’armée de Mésopotamie sera en état de monter sur Bagdad, et d’en faire la base des opérations vers Alep et Alexandrette. De Bitlis à Alep par Diarbékir, la distance est d’environ 500 kilomètres. De Bagdad à Alep, par la vallée de l’Euphrate, il faut compter 800 kilomètres. L’objectif n’est donc pas à portée de la main, et ne peut être atteint qu’au bout de plusieurs mois, et non sans difficultés. Une campagne d’été en Mésopotamie, avec de forts effectifs, exige une sérieuse préparation ; mais les Russes et les Anglais ont l’expérience des expéditions de ce genre.

Il y a tout lieu de croire que les Russes arriveraient les premiers dans la région d’Alep et d’Alexandrette. Les Anglais ont un autre moyen de leur donner leur concours, tout simplement en débarquant à Alexandrette. L’idée n’est pas nouvelle. N’en a-t-on pas parlé dans les Conseils qui ont précédé la constitution de l’armée de Salonique ?

Bref, on est allé à Salonique, on n’est pas allé à Alexandrette. Il est encore temps d’y débarquer des troupes d’Egypte, à moins que... elles n’aient été transportées déjà ailleurs !

Il n’y a pas de doute qu’une certaine confusion s’est produite depuis la prise d’Erzeroum sur la répartition des forces en Orient. Et les communiqués de la dernière Conférence des Alliés ne nous ont rien appris de ses décisions au sujet de l’Orient.

Cette incertitude est pénible pour ceux qui, comme nous, sont convaincus de l’importance du front d’Orient. Par suite des fautes de 1915, la situation y est fort compliquée. Mais de l’exposé que nous venons de faire, et qui, nous l’avouons, repose plus sur des intuitions que sur des documens précis, n’est-il pas possible de dégager quelques conclusions aussi fermes que modérées ?

D’abord, il faut agir en Orient. L’immobilité et l’inaction sont des signes de faiblesse pour les Orientaux. La prise d’Erzeroum a eu un très grand retentissement parce qu’elle a montré que la force russe était intacte. La prise de Bagdad produirait le même effet. Mais, si Russes et Anglais en restaient là, qu’y aurait-il de changé ?

Au contraire, que les Russes et les Anglais s’établissent fortement