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— Et de quel bataillon ?

— Du premier...

— Ah ! voilà ! Nous sommes du second... et ne pouvons vous renseigner sur lui, madame...

Ils sortent.

— Tu vois bien qu’ils se sont trompés, Claire !

— Tu crois ?... Oui ?...

— Ils ne sont seulement pas du même bataillon ! Sont-ils sots, tout de même... Ils auraient pu faire attention... C’est vrai que Pénin et Génin, cela peut se confondre...

Aaah !... Effondrée sur une chaise, elle pleure nerveusement. Elle pleure de joie, tandis que ses compagnes, au-dessus d’elle, échangent des regards navrés.

DERNIÈRE VISION. — Dans la nuit noire, sous la pluie fine, pénétrante et glacée. Les falots des équipes de secours s’enveloppent d’un brouillard de gouttelettes lumineuses. Les rails sont luisans d’eau.

L’interminable train s’achève en fourgons de marchandises, tous vides, explorés en vain... Il n’y a plus rien dans cette queue de train... Pourquoi s’engager plus avant, sous la pluie, dans l’enchevêtrement des rails ?

Tout de même, ce dernier wagon...

La lourde porte roule et grince... La jeune fille se hisse avec sa lanterne, explorant le grand fourgon noir... Elle ne peut retenir un cri !

Dans l’ombre, tout à fait dans le fond, bien à l’abri, sur la paille, comme à la crèche, dans le même dénuement et le même abandon, un zouave est allongé, mourant, les yeux fixés sur un souvenir d’épouvante, ouverts dans le vide et ne voyant pas.

Et près de lui, penchée, la silhouette jadis si familière d’une cornette de sœur : grandes ailes blanches, toutes palpitantes d’espérance et d’amour, planant sur ce mystère de douleur et de mort.


PENDANT LA RETRAITE

Le 25 août au matin, tout un train de Méridionaux venant de la forêt de Beatrix. « Ils nous ont bien arrangés ! Voyez ce qui reste. Les pauvres ! Tous les officiers de la compagnie sont tués. »