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UNE AMBULANCE
DE GARE

II [1]


QUELQUES SCÈNES

L’ambulance s’organisait admirablement. Les dévouemens étaient sincères, la direction intelligente et active, les aides ne manquaient pas. Jour et nuit, par roulement, les services se remplaçaient aux cuisines et à l’infirmerie et chacun prenait à cœur de se montrer à la hauteur de sa tâche. Peu à peu s’effaçaient les jalousies, les mesquineries, les rivalités, les tracasseries, les menues guerres intestines que ne manquaient pas de se livrer toutes ces belles oisives habituées à l’étroit esprit des salons. Une nouvelle fraternité les rapprochait : le lien que créent les mêmes angoisses et les mêmes douleurs. De chacune, maintenant, on savait l’histoire. Et la fière comtesse dont le mari se battait quelque part en Alsace s’enquérait avec le plus grand intérêt du fiancé de la petite étudiante. Elles se disaient le numéro de régiment de leurs soldats, des lieutenans, des capitaines, et, tout en se livrant à une enquête personnelle, chacune se renseignait pour les autres et les nouvelles étaient discutées en commun, l’ambulance formant de plus en plus une grande famille. Il y eut ainsi quelques beaux jours de vie

  1. Voir la Revue du 1er juin.