Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/908

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne peux savoir dans quelle colère on se met... » D’Osnabruck, même date : « J’espère que, pour la Pentecôte, tu seras de retour auprès de nous... car je suis d’avis que la guerre ne peut plus durer longtemps, car il y a ici une telle misère que c’est une honte. » D’Essen, le 16 : « On pourra bientôt instituer un Comité de famine, car on n’a plus rien pour son argent. » De Dusseldorf, le 17 avril : « Si la guerre dure encore longtemps, nous mourrons de faim. » De Berlin, le 21 avril : « Nous n’avons plus qu’à nous coudre l’estomac pour n’avoir plus besoin de manger. » Les parens du musketier H..., du 20e régiment, lui écrivent : « Il n’est plus possible de vivre et même pas de mourir (sic)... Combien de temps faudra-t-il pour avoir une fin ? Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’hommes ? »

On comprend que les soldats du front s’alarment de cet état de choses. Le pionnier J..., du 30e régiment, dit qu’on aurait beau vaincre, « cela ne pourrait durer bien longtemps, car il n’y a pas beaucoup à manger là-bas. » W..., du 12e Landwehr, revenant de permission, conclut le 23 mars, après un tableau assez sombre : « C’est à vous enlever tout courage. »

Ce qui augmente l’irritation de tous, c’est que, d’une part, on soupçonne « les spéculateurs » qui, écrit-on de Berlin le 5 mai 1916, « dans notre propre pays nous amènent la famine plus sûrement encore que les Anglais, » et que, d’autre part, la police se fait tous les jours, de tracassière, brutale jusqu’à provoquer la révolte.

C’est qu’il lui faut intervenir dans cette « guerre générale des femmes » dont parlait une correspondante.

Il faut rappeler ce que je disais dans les premières pages de cet article : nous n’avons ici, — pour bien des raisons, — que des échos rares et affaiblis, un minimum de confidences. Car si une police brutalise les femmes, une autre surveille les lettres et on retrouve sans cesse la formule : « On ne peut tout dire, » et parfois même : « On ne peut rien dire. »

Mais voici quelques lueurs :


Elberfeld, 5 mars.

« Hier, il y a eu une émeute à l’Hôtel de Ville. Les femmes sont parfois plus terribles que les hommes... Je crois que cela ne fera qu’empirer. »

Dans une page arrachée d’une lettre, on lit : «...Une femme