Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/904

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du 56e régiment : « Avant-hier et hier sont de nouveau partis 4 000 hommes, mais il aurait fallu que tu voies comme ils étaient tristes tous ! »


Les départs succèdent aux départs. De Letzel Wiebelsbach : « Les jeunes gens de dix-huit ans ont dû tirer au sort... Cela ne s’arrêtera pas jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne ; » de Wiesbaden : « Les jeunes gens de dix-huit ans sont déjà incorporés, ceux de dix-sept ans ont dû se faire inscrire sur les listes de recrutement ; » de Kl. Ringne (Westphalie) : « On révise et incorpore de nouveaux hommes ; » de Stammhamm : « Tu me demandes s’il y a encore des jeunes ici : malheureusement ceux de dix-huit ans ont dû être incorporés le 4 avril. Il n’y a plus que de tout jeunes gens ou des vieux comme moi. » De Hambourg : « Maintenant, toute la classe 1916 s’en va au front ; samedi dernier, plus de 4 000 hommes sont partis d’ici. Quand tout cela finira-t-il ? » et le 19 avril : « Ceux de la classe 1897 partent demain. » Ces enfans font pitié. « Il faudra leur donner des jouets, » écrivait-on déjà le 31 janvier. Le patriote de Bojanowo lui-même ne peut s’empêcher de s’apitoyer ou de sourire devant la façon dont, par ailleurs, on racle les tiroirs : « Même mon cousin de Charlottenburg qui, dans le sens le plus strict, n’est qu’un soupçon d’homme (ein Gedanke von Gestalt) a dû y passer... Et le petit Max L... le tailleur, « la dernière levée de l’Allemagne, » a été déclaré bon pour le service de garnison. »


Aussi, un citoyen d’Alsfeld regarde-t-il avec « pitié » les hommes qui, s’acheminant à la bataille, cantonnent dans la ville. « Il y a parmi eux des figures à faire pitié. Aucune comparaison avec nos beaux hommes de l’active de 1914 ! »


Tous les huit ou quinze jours, l’Allemagne apprend un « colossal succès » obtenu par « l’incomparable armée. » Beaucoup y sont encore pris : presque tous les Allemands ont cru que Douaumont avait été emporté par la « ruée ardente des régimens brandebourgeois, » encore que l’État-major sache qu’il n’en est rien ; toute l’Allemagne a cru que le Mort-Homme était entre les mains de ses troupes depuis le milieu de mars, alors que nous avons vu le lieutenant R... affirmer dans sa