Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exemples dans cette guerre dont la prolongation douloureuse est certes due au défaut de vues d’ensemble autant qu’aux divergences fatales des coalitions. Aussi est-il permis, sous réserve de la censure bien entendu, d’essayer, même avec des renseignemens insuffisans, d’orienter les esprits, et peut-être d’incliner les Gouvernemens vers des résolutions capables d’abréger la durée du sanglant sacrifice.

La question que nous nous posons est celle-ci. Les Russes sont en Arménie, à Erzeroum, à Trébizonde, à Bitlis ; les Anglais sont près de Bagdad et en Egypte. Comment peuvent-ils combiner leurs opérations de manière à se joindre et à marcher sur Constantinople ?

Regardons la carte.

D’Erzeroum et de Trébizonde les Russes ont à franchir un millier de kilomètres pour atteindre le Bosphore. La route la plus directe est par le littoral de la Mer-Noire, de Trébizonde à Samsoun, de Samsoun à Iléraclé, d’Héraelé à Scutari. La route d’Erzeroum passe par Sivas et Angora où elle retrouve le chemin de fer.

L’armée russe qui s’avancerait en Anatolie doit suivre ces deux routes. La colonne du littoral a l’avantage d’avoir ses ravitaillemens assurés par la flotte et d’être pour ainsi dire convoyée par elle ; mais la route est resserrée entre la mer et les hauts escarpemens qui la bordent de très près, et fréquemment coupée par de petits torrens, tantôt à sec, tantôt gonflés par les pluies.

La colonne centrale aurait un double rôle : refouler les Turcs successivement de Sivas, d’Angora, de toute l’Anatolie, et se tenir en liaison avec la colonne du littoral, séparée d’elle par une distance moyenne de 150 à 200 kilomètres. Les ports de la Mer-Noire sont reliés à l’Anatolie par de vieilles routes, connues sous le nom d’Echelles du Levant.

Angora (Ancyre) est le terminus de la voie ferrée Scutari-Eskicheïr. Peut-être les Allemands l’ont-ils prolongée de quelques kilomètres dans la direction de Sivas. D’Erzeroum à Sivas, il y a 450 kilomètres environ, de Sivas à Angora à peu près autant. La grande difficulté est donc de relier les armées russes par une voie ferrée au terminus du chemin de fer du Caucase, Sari-khamich. Il est probable que le tronçon jusqu’à Erzeroum est en construction, mais au delà peut-on prévoir que la pose