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homme raisonnable ne peut justifier une pareille tuerie d’hommes... Nous sommes en ce moment au Nord-Est de Verdun, certainement une situation bien délicate... Bien que nous ne soyons pas depuis longtemps en position, nous en avons plein le nez (die nasc voll) et aspirons à la paix, et nous voudrions envoyer au front tous ces messieurs qui sont cause de la guerre et y trouvent de l’intérêt ! S’il en était ainsi, nous aurions la paix depuis longtemps. »

On n’est pas beaucoup plus heureux sur la rive gauche, où, arrêté sur la rive droite, l’Allemand a reporté son principal effort. Le bois des Corbeaux a été le « tombeau » de maints régimens : le Mort-Homme (dont le communiqué du 15 mars a annoncé la prise) continue à opposer une infranchissable barrière à la ruée allemande. Et, chose intéressante, c’est un officier allemand lui-même qui vient donner au communiqué mensonger le plus formel démenti. Il s’agit du lieutenant R..., du 71e de réserve. Le 8 avril, il écrit :

« Mon cher Walter... Je suis assis en ce moment dans mon trou, et je pense à toi. Ah ! quelle différence entre le séjour ici et la vie en Allemagne ! Depuis huit jours, je suis dans la saleté sans pouvoir me laver. Nonowow n’était pas bien agréable, mais ici, dans cet enfer, devant Verdun, c’est d’une mortelle tristesse. Demain, notre régiment attaque entre le bois des Corbeaux et le Mort-Homme, que, d’ailleurs, les Français occupent toujours et où ils ont d’excellens observatoires. Le cercle autour de Verdun se referme un peu, mais mon opinion, fondée sur l’extrême précision du tir de l’artillerie française et la quantité innombrable de leurs canons, est que nous ne prendrons pas Verdun. Cela coûte trop d’hommes. Pour l’avoir, il nous faudrait des mois de combat. »

Ne quittons pas le corps des officiers. Le lieutenant H..., du 81 e, fait écho, — sur la rive droite, le 15 avril, — au lieutenant S..., sur la rive gauche. Sa lettre mérite d’être tout entière transcrite ici :


En campagne, le 15 avril 1916.

« Mes chers parens,

« Vous attendez probablement avec impatience un signe de vie de moi. J’espère que celle lettre vous parviendra, mais il n’est pas facile ici de mettre ses lettres à la poste.