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12 mars. — A quatre heures, départ pour la nouvelle position (plus à droite), relève d’une compagnie du 37e. La plaine derrière nous est soumise à un tir de barrage. Le transport des vivres est difficile. A notre droite et plus bas se trouve le village de Vaux dont les trois quarts sont entre nos mains. Derrière Vaux se trouve le Douaumont ; derrière nous l’ouvrage et le bois de Hardaumont. Le soir, tir d’obus asphyxians de notre artillerie. Des mitrailleuses et des Scharfschutzen (français) tirent depuis le boqueteau à mi-pente au-dessus du village de Douaumont, particulièrement sur la 6e compagnie qui a quelques pertes.

14 mars. — Les Français commencent à lancer des bombes sur notre position.

15, 16, 17 mars. — Nous faisons des pertes par le Kurtgitstave. Attaque du 60e sans résultat.

18 mars. — L’après-midi, attaque sur le bois de la Caillette et à la Carrière sans succès. »

Cette croupe de Vaux devient l’effroi du soldat allemand : un malheureux trahit, dans une courte carte, une sorte d’égarement :

Le 24 mars 1916. — « Devant le fort de Vaux. Je n’ai pas besoin d’en écrire davantage. Tout le reste se comprend. Je veux cependant avoir de l’espoir. C’est amer ! bien amer ! Je suis encore si jeune ! A quoi bon ? Que sert de prier, de supplier ? Les obus ! les obus ! »

Le froid continue à sévir — et ce qui en aggrave la rigueur (il n’y a qu’une voix) on est mal nourri, parfois même privé de tout aliment. Un homme du 44e régiment d’artillerie de campagne s’en plaint amèrement : « La nourriture laisse à désirer. Pas de pain et pas d’alimens gras, » et d’Allemagne (Strassburg, Prusse, le 20 mars) on écrit : « Tu nous écris que vous avez dû sucer de la neige tellement vous souffriez de la faim. » On plaint le pauvre, en ne lui donnant que cette consolation : « Mais crois-tu qu’il en est autrement ici, car ici on ne peut rien avoir. »

Les combats, cependant, suivent leur cours. L’artillerie française continue à faire de la casse. Un homme, qui a été de l’assaut de la cote 265, écrit le 23 mars : « Dès les premiers bonds, les projectiles se mirent à siffler au-dessus de nos têtes. Nous reçûmes un feu terrible de mitrailleuses et d’artillerie au moment où nous nous lancions à l’assaut de la hauteur 265,