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Le point culminant de la bataille est la prise de Douaumont, « due, écrira le Communiqué, à la ruée ardente des régimens brandebourgeois, » mais qu’un document secret allemand, tombé entre nos mains, apprécie en un style infiniment moins glorieux. Négligeant ce document, je m’arrête à la lettre d’un soldat du 69e. « Les Brandebourgeois, écrit-il le 28, ont remporté la grande victoire de Verdun (sic). » Seulement il ajoute en homme clairvoyant : « Mais je pense que leurs rangs se sont encore bien éclaircis… Cela dure depuis trop longtemps ! »

Ces jours, ce sont les jours de triomphe, les « beaux jours de Verdun, » pour les Allemands. Il n’y paraît guère déjà d’après les lettres. Mais voici venir les jours sombres : l’élan est brisé ; le Français se « défend vaillamment », et opposant « une résistance monstrueusement opiniâtre, » rejette son ennemi, en fait un massacre. Le mieux me paraît de suivre l’ordre chronologique. On verra les plaintes grandir chaque jour plus fortes.

Dès le 1er mars, Fritz Z… s’estime si malheureux qu’il maudit ceux qui l’ont envoyé à cet « enfer. »


Devant Verdun, 1er mars 1916.

« Mes chers parens,

« …Je vous fais savoir que je vais très mal, car je mange tous les jours mon pain sec. Nous sommes dans une triste région et tous les jours ça barde. Qu’est-ce que le pasteur a dit encore ? Il l’a belle de parler en chaire des braves Feldgrauen, mais il ne vous raconte pas ce que tous ceux-ci ont à souffrir.. S’il n’y a plus rien à bouffer (fressen), qu’on fasse donc la paix. Les riches peuvent bien tenir, mais les pauvres ont à souffrir… »


Le 5 mars, notre mitrailleur de tout à l’heure, ramené à la ligne de feu, est « dans le ravin du Chauffour et bois Albain » (près Douaumont) : « Nous souffrons beaucoup du froid, du feu de l’artillerie française et de notre propre artillerie. Pour aller chercher le manger, il nous faut traverser un tir de barrage français sur la ferme des Chambrettes.

9 mars. — Trommelfeuer de notre artillerie. Une de nos batteries lourdes tire sans discontinuer (toute la journée) trop court, ce qui occasionne de très fortes pertes. À midi, assaut. ; Nous arrivons à la deuxième tranchée française. Cette journée