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avons appris par une édition spéciale que Verdun a été incendié. Bientôt il sera complètement à nous... »

Mais la chute de Verdun, escomptée à plus ou moins brève échéance, amènera-t-elle la fin de la guerre ? C’est la grosse question.

A dire vrai, ce qui m’étonne, c’est de n’avoir pas trouvé plus de lettres où les espérances se fissent jour, même après les succès du 21 au 26 février. Cela s’explique, lorsque, d’autre part, on a constaté le scepticisme ou tout au moins les craintes que, dès le début, nous allons voir se manifester au sujet de l’attaque projetée, puis exécutée.

A aucun moment, en effet, on n’a vu se manifester, tant sur le front qu’à l’intérieur, cette confiance absolue qui régnait en Allemagne à la veille des grandes opérations — invasion de la France, attaque de l’Yser, campagne de Pologne, campagne des Balkans. L’annonce de l’assaut de Verdun a déjà trouvé une population lasse des « victoires » sans lendemain.

De cet état d’esprit je ne citerai que quelques témoignages qui m’ont paru singulièrement typiques.

Sur le front d’attaque, l’annonce d’un prochain assaut sur Verdun n’a pas soulevé l’enthousiasme unanime, — il s’en faut. Je ne ferai pas état des dires des déserteurs et prisonniers. Cela peut être simples racontars. Mais, dès le 10 janvier, une lettre venue de Silésie dénote peu d’enthousiasme pour l’opération.


Sandau (Prusse), 10 janvier.

«... J’ai entendu dire que cela allait barder près de Verdun. Cela va coûter pas mal de sang... »

Le soldat B..., du 64e d’infanterie, qui tient carnet, voit, le 14, sans plaisir, se préparer de grands événemens.

« On dit que c’est le 12 (février) que l’attaque va commencer ! Ah ! que ce sera amer ! Le moral n’est pas précisément très bon. Dans la nuit du 11, il a fallu sortir pour couper les fils de fer et ménager les voies de sortie en première ligne. Oh ! que ce fut amer ! La tempête hurlait et la neige tombait épaisse. Le lendemain 12, l’attaque devait commencer à cinq heures après, midi, mais en raison du mauvais temps on la remit d’un jour... Mais il semble que ce ne soit pas encore pour aujourd’hui, car le temps est très brumeux. Mais voici que dans l’abri, on crie :