Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/880

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Ich, Wilhelm, sehe das deutsche Vaterland gezwungen zur Offensive uberzugehen : Je vois la patrie allemande contrainte de passer à l’offensive. »

Ce texte nous fut livré par trois déserteurs alsaciens (à l’interrogatoire de qui j’ai personnellement assisté) et les termes nous en furent confirmés par des déserteurs polonais.

Le mot gezwungen est singulier. Il s’éclaire tout d’abord par un autre témoignage, celui de trois Russes évadés des lignes allemandes et recueillis le 18 février par nous près de Champion en Woëvre. Annonçant l’attaque de Verdun, ils ajoutèrent : « La situation intérieure est devenue intenable et il faut que l’Allemagne prenne l’offensive. » Des déserteurs lorrains recueillis le 10 février près du bois de la Selouze avaient dit, le 12 février : « Les hommes trouvent que la guerre traîne en longueur ; ils espèrent encore dans le triomphe de l’Allemagne ; ils ont néanmoins l’impression que la situation d’attente actuelle ne peut amener une solution qui ne peut être produite que par une victoire militaire... La crise économique en Allemagne, qui se manifeste dans la correspondance venant de l’intérieur, cause de l’inquiétude aux soldats allemands. »

La nécessité qui « contraignait la patrie allemande à passer à l’offensive » peut se justifier par bien d’autres raisons que la crise économique. Les unes, d’ordre militaire, les autres, d’ordre diplomatique, nous sont ou nous seront connues. Notre objet n’est pas d’en disserter. Nous apercevons probablement une lueur dans les propos tenus par un grand négociant de Francfort à un directeur de banque de Bâle en février. « Nous jouons notre va-tout. La situation n’est plus tenable. Nos alliés Turcs et Bulgares nous mangent littéralement. Il faut leur envoyer de l’argent, des hommes, etc., pour qu’ils puissent continuer la guerre ; sinon, ils nous tomberont sur le dos. »

Tenons-nous-en aux lettres de l’hiver 1915-1916 tombées entre nos mains. Nous y voyons l’indice d’une aggravation singulière des troubles intérieurs et, par contre-coup, le mécontentement des troupes du front.

Je prends simplement les extraits les plus caractéristiques de quelques lettres.