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récit que mériterait cet assaut inouï d’un camp retranché. Il a duré sans interruption cinq jours et cinq nuits. Le fort de Kara-Subek a été enlevé en cinq heures. Et l’on peut s’imaginer, d’après ce trop pâle résumé, ce qu’ont été l’escalade de ces glacis de neige, l’enlèvement des tranchées revêtues de glace, le combat sans trêve par un froid terrible ! Mais tout cela est si lointain pour nous, qui tressaillons chaque jour à la lecture des communiqués de la terrible bataille de Verdun, que nous ne pouvons que donner une pensée fugitive à de tels exploits. Saluons cependant ces héros du Caucase et leur chef, le général Youdenitch !

Après l’entrée à Erzeroum, non seulement les colonnes russes ont poursuivi les Turcs avec vigueur, mais elles ont continué leurs opérations suivant un plan qui paraît bien défini, quoique sujet à des lenteurs qu’expliquent la nature du pays et la saison.

Avant de s’avancer directement d’Erzeroum sur Erzindjian, il était indispensable de refouler tous les corps turcs qui s’échappaient par la vallée du Tchorok, et dans la région de Mouch par la vallée de l’Euphrate inférieur (Murad Sou), et de s’emparer de Trébizonde, le grand port de la Mer-Noire, et de Bitlis, près du lac de Van.

La possession de Trébizonde importe avant tout pour établir la liaison par mer. La flotte russe est à peu près maîtresse de la Mer-Noire. Nous disons « à peu près, »car des sous-marins allemands ont été signalés à plusieurs reprises, sortant du Bosphore ou de Varna. Et si l’on en croit certaines informations récentes, quelques transports turcs auraient réussi à arriver à Trébizonde sous la protection du Breslau. Les Russes ont donc marché sur Trébizonde, à la fois par la côte, en partant de Batoum, et par la vallée du Tchorok, en traversant les chaînes abruptes du Lazistan. A l’heure où nous écrivons, une dépêche annonce la prise de Trébizonde. Les opérations que nous prévoyons vont être facilitées.

Bitlis est une des poternes du Taurus arménien ; elle ouvre la route directe du Tigre et de la Mésopotamie. Mouch et Bitlis ont été occupées très vite. Toute la région du lac de Van est nettoyée. Mais les Russes se trouvent en face des Kurdes qui tiennent les revers méridionaux du plateau arménien.

Il est assez difficile de préciser la situation exacte des avant-gardes