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ont été préparées les opérations sur Erzeroum. On y reconnaît bien la maîtrise du grand-duc Nicolas !

Jusqu’à la fin de décembre, l’état-major turc n’a rien soupçonné. Même quand les premiers engagemens témoignèrent de la reprise de l’offensive russe, les politiciens de Constantinople n’y attachèrent aucune importance. Toutes les forces disponibles étaient employées en Thrace, en Syrie, en Mésopotamie. On préparait l’attaque de l’Egypte ! Ce ne fut qu’en apprenant l’apparition des Cosaques aux abords d’Erzeroum et la défaite de Kepri-Keuï que les divisions turques de Syrie et du vilayet de Smyrne furent dirigées à la hâte sur Angora, et que Sanders pacha fut nommé au commandement de l’armée d’Arménie.

Le plan du grand-duc Nicolas paraît avoir été fondé sur la surprise d’une attaque à fond en plein centre turc avant le dégel. Les corps d’aile de l’armée turque étaient trop loin, à Olty et au lac de Van, pour intervenir à temps, et ils devaient d’ailleurs être tenus en respect par de forts détachemens.

On pouvait espérer que la rupture et la retraite du centre détermineraient un tel ébranlement que les Russes arriveraient en même temps que leurs adversaires en face d’Erzeroum, ne leur laisseraient pas le temps de se ressaisir, et qu’ainsi la défense de la place serait paralysée par l’encombrement des fuyards. Il n’y avait pas d’ailleurs à songer à faire un siège régulier, d’abord à cause de l’hiver, ensuite parce que le chemin de fer du Caucase, Tiflis-Kars, ne dépassait pas Sarykhamisch, à 140 kilomètres d’Erzeroum, et qu’il était impossible d’amener l’artillerie lourde nécessaire. Les journaux russes, auxquels nous empruntons ces détails, racontent que les soldats russes étaient obligés de monter les canons à bras sur les pentes couvertes de neige, et qu’ils ont combattu en janvier et en février par des froids de 20 à 25 degrés, sous des tourmentes et avalanches de neige, la figure brûlée éclatant en ampoules. Les chameaux épuisés se traînaient sur les genoux.

Le succès de cette audacieuse campagne ne pouvait donc être assuré que par la rapidité de l’attaque. Il fallait enlever Erzeroum de vive force ou se remettre sur la défensive. Tout a cédé devant la volonté de fer des chefs et des soldats : les Turcs, les élémens déchaînés, et la place elle-même !

L’armée du Caucase a commencé ses opérations pour ainsi dire avec l’année 1916, en tenant compte de l’écart de treize