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armes des villes de l’Empire. « Il nous a construit une forte demeure, un asile sûr en Dieu, contre toutes les tempêtes. » Ainsi, l’idée du peuple allemand, réduit par la conjuration de ses ennemis à défendre sa propre existence, est sensible dans beaucoup de ces images : l’idée de ce même peuple entreprenant la conquête du globe ne l’est nulle part.

Est-ce pour les Neutres que l’humoriste allemand donne cette note extraordinaire ? Est-ce pour la masse de son peuple ? Est-ce un sentiment tout personnel ? En tout cas, dans ces myriades d’images destinées au grand public, rien n’a passé des idées de Bernhardi et de Treitschke sur les beautés de la guerre de conquête ou sur la légitimité de la terreur. Elles procèdent toutes de ce postulat que l’Allemagne ne fait que se défendre contre une coalition formidable d’envieux voisins. Que ce soit par un hypocrite accord entre les auteurs et leurs lecteurs, ou que le public allemand soit encore abusé par la plus gigantesque mystification et la plus fatale dont l’Histoire nous offre l’exemple, les humoristes d’outre-Rhin ne cessent d’invoquer les mêmes principes que les autres. C’est pour les mêmes idées qu’ils prétendent faire la guerre et y avoir été contraints par les mêmes nécessités.

Pour la terminer, ils comptent également sur la même chose : les dissensions intestines. C’est le second caractère commun aux caricatures. Tout le monde est aux écoutes pour surprendre, chez l’ennemi, les premiers travaux d’approche de la Révolution. Anglais et Français l’attendent du socialisme allemand ; les Austro-Allemands, des révolutionnaires russes et de l’esprit de fronde qui soufflait, d’habitude, en France. Ils l’attendent aussi non pas du peuple anglais, — ils sont trop au fait pour l’espérer de cette nation librement disciplinée qu’est la Grande-Bretagne, — mais du moins de ses colonies, des Indes, de l’Egypte, du Cap. Ils l’attendent, enfin, de la Tripolitaine contre l’Italie. Jusqu’ici, les postes d’écoute en sont pour leurs frais. Si fine que soit leur ouïe, nul bruit de sape ne vient la frapper. La guerre, qui devait, selon les sociologues, dissocier les nationalités arbitrairement réunies, les a resserrées, au contraire, et les plus artificielles tiennent comme les autres. Mais, quels que soient les faits, le sentiment demeure, et l’image satirique montre, par tous les pays, la foi profonde ou l’espoir qu’on a dans la Révolution chez le voisin.