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l’Humanité, et quelques autres vertus sociales ; mais du fond d’une fosse nouvellement ouverte une figure de femme se redresse, auréolée de feu, et lui présente un miroir. Et la légende dit : « L’Anglais voulait aussi enterrer la Vérité, mais elle s’est redressée chaque fois et l’a confondu avec son miroir. »

Que dire de la fidélité aux engagemens ? Elle ne tient pas moins de place dans la caricature allemande. Le Kladderadatsch a trouvé, pour l’exalter, une image apocalyptique. Le roi d’Italie, sur son trône, est assailli par les objurgations d’un immonde gnome qui est John Bull et d’une sorcière coiffée de couleuvres, vêtue de plumes de coq, qui est la France ; et il va les écouter, lorsque, dans l’ombre, une main gigantesque et lumineuse parait, et cette main ouvre trois doigts de feu, formidable rappel d’une trinité sainte, et la France s’écrie : « Viens avec nous. Le mot « loyauté » est une pure invention des barbares allemands. » On ne croirait pas possible, après tant de « chiffons de papier » déchirés, la prétention que cette image suggère et encore moins celle qu’affiche plus récemment le Simplicissimus, en figurant le voyage du cardinal Mercier., Celui-ci est représenté causant avec des catholiques et leur disant : « Les Allemands m’ont donné un sauf-conduit, et comme je sais qu’ils tiennent toujours leur parole, je peux les calomnier avec assurance. » Qu’ils tiennent toujours leur parole ! est une telle trouvaille qu’on se demande à qui les ironistes de Munich en veulent parfois...

Enfin, l’humanité est pareillement invoquée, contre toute attente, par l’humoriste allemand. Le Simplicissimus montre toute une famille anglaise, femmes et enfans, rassemblée autour d’une table couverte de cartouches, en train de confectionner des balles dum-dum. Cela s’appelle : « L’aide aux soldats en Angleterre. » Pour lui, la barbarie est de l’autre côté de la Manche.

En regard de toutes les hypocrisies et de toutes les lâchetés qu’il attribue à ses adversaires, l’imagier teuton dresse la figure idéale de l’Allemagne : une Allemagne unie, forte, disciplinée, mais pacifique, uniquement appliquée à se défendre, un roc compact et formidable que tous les flots du monde, déchaînés, viennent battre, sans l’entamer. L’écume de ces flots prend vaguement, sous la lune, une ressemblance avec des formes fantastiques de John Bull, de Marianne et d’un moujik. Le bloc, lui, ressemble à la Tour de Bismarck, blasonnée aux