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c’est presque, un axiome que l’Allemagne, au point où en est arrivée la guerre, désire la paix.


CONCLUSION

Et d’ailleurs, qui ne la désire pas, s’il fallait en croire toutes ces images, — alliées, allemandes ou neutres, — qui ne l’a pas toujours désirée ? Quel est le peuple qui se vante ou seulement avoue avoir rêvé d’agression, de domination ou d’hégémonie ? Aucun. Vainement chercherait-on, parmi tous ces dessins et ces légendes, l’éloge ou seulement l’apologie de la guerre de conquête : on ne la trouverait pas. Toutes exaltent les mêmes vertus : la liberté des peuples, la fidélité à la parole donnée, la fraternité ; toutes flétrissent ceux qui, selon leurs auteurs, y ont manqué. Il n’y a pas, sur les principes, de divergence : tel est le premier point à noter. Que les chefs actuels de l’Allemagne tiennent pour nulle leur signature au bas d’un traité lorsqu’il les gêne, et pour moins encore le droit à la vie des petites nations, c’est ce qui est discernable dans leurs écrits et manifeste dans leurs actes. Que le peuple allemand soit entré, tout entier, dans cette voie avec une discipline impeccable, c’est ce que les faits ont surabondamment démontré. Mais il est curieux d’observer que, dans leurs images populaires, ils continuent à faire appel à des sentimens tout différens, à ceux qui ont cours chez les Alliés : la justice, l’humanité, la franchise, la liberté. Une image assez récente du Simplicissimus est significative à cet égard : elle figure Neptune galopant sur son cheval marin, lequel a des pattes de canard, le trident en bandoulière. Ce vieux Dieu équestre accueille avec des transports de joie une sorte de Naïade et cette Naïade élève au ciel ses deux bras chargés de chaînes, mais de chaînes brisées... Cela s’appelle la Libération du Danube et on lit : « Ainsi, ma petite fille, la liberté des fleuves sera suivie bientôt, nous l’espérons, par la liberté des mers... »

Voilà pour la Liberté. Quant à la Vérité, l’Allemand ne la chérit pas, en apparence, moins tendrement. La Jugend nous fait assister à une scène digne de Shakspeare : dans un cimetière « survolé » par une bande de corbeaux ; un fossoyeur, sinistre, sorte de Caliban habillé aux couleurs de l’Angleterre, est en train de creuser des tombes. Il a, déjà, enterré l’Honnêteté,