Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/832

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de guerre. Un grand lion mécanique se soulève sur ses roulettes et va tomber sur un petit Américain, costumé en général de 1781, qui se défend, comme il peut, avec son sabre de bois. Heureusement, un autre petit garçon, costumé comme était La Fayette à la même époque, se pend à la queue du lion et l’empêche d’avancer, et l’artiste intitule cette scène d’enfans : Our nursery days.

Le même journal satirique a pris parti plus nettement encore. Il a intitulé un de ses numéros : Vive la France ! Il y montre les ombres de toutes les gloires françaises défilant, à la manière de la Revue nocturne de Raffet, devant Joffre, qui les salue. Le Kaiser, lui, est représenté, piétinant dans le sang, submergé par un océan d’atrocités et de crimes où flottent les cadavres de la Lusitania, ou bien écrasant de son poids le pauvre Michel allemand obligé de le porter sur ses épaules, à travers les ruines. Au-dessus de la plaine ravagée, en vue de la cathédrale de Reims qui brûle encore, il élève son coutelas vers le ciel, en hurlant l’Hymne de Haine. La fin de toute cette tragédie, selon les vœux du Life, c’est l’application de la peine réservée aux pirates : la pendaison, et celui qui la subit offre une grande ressemblance avec l’empereur Guillaume. Dans le ciel où se balance le corps du supplicié, une vision dantesque passe, une bufera infernal de nuées à figures humaines et ces figures ressemblent à des mères échevelées qui serrent leurs enfans sur leur cœur...

Ce n’est pas le Life, seulement, qui manifeste cette indignation. Elle est pareille dans les dessins de l’Evening Sun, de New-York, de l’Inquirer, de Philadelphie, du World, de New-York, du Nashville American, d’une foule d’autres et avec d’égales trouvailles d’expression. « Contrebande de guerre, » dit l’Evening Sun, en montrant Jonathan qui soulève dans ses bras le cadavre d’une passagère de la Lusitania. « L’Allemagne au-dessous de tout, » dit l’Inquirer, en figurant une main géante sous les eaux de l’Océan, cherchant à saisir et à engloutir les bateaux qui passent. « Pilote congédié, » dit un autre, en reprenant l’idée du Punch lors du départ de Bismarck, et en montrant non plus le chancelier, mais la Civilisation qui quitte le navire où commandent le Kaiser et l’amiral de Tirpitz. « La loi, épave du temps de guerre, » dit l’Eagle de Brooklyn, en montrant un livre déchiré, défeuillé, sur une grève : le « code international »