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leur rôle, tout comme dans le Simplicissimus. Plus tard, le Nebelspalter a simplement montré l’avance de l’Allemagne sur les Alliés dans les Balkans : Grey lutte de vitesse avec l’Allemand, mais ses jambes sont plus courtes que celles de son adversaire et il lui dit : « Si fort que je puisse courir, vous êtes toujours devant ! » Enfin, plus récemment, il a montré les belligérans jouant aux cartes, selon la tradition bien ancienne des caricaturistes politiques, — car elle remonte au XVe siècle, c’est-à-dire au Revers du Jeu des Suisses, et ce sont, à peu de chose près, les mêmes partenaires qui jouent. Selon lui, les Empires du Centre ont gagné : l’Allemand a raflé la Belgique et le Nord de la France, l’Autrichien la Pologne, le Bulgare la Serbie et ils déclarent : « Messieurs, on pourrait lever la partie. : Nous avons assez gagné. » Mais les autres n’entendent pas de cette oreille. « Continuons, disent le Français, le Russe et l’Anglais, peut-être la chance va tourner. » Plus récemment encore, le Nebelspalter montrait le roi de Grèce et le général Sarrail, passant en voiture au milieu du peuple hellène qui les acclame et il leur faisait tenir le langage suivant : « Écoutez le peuple qui acclame Votre Majesté, » disait le général. — « Oui, répondait le Roi, mais je ne sais pas tout à fait exactement si c’est pour nous féliciter à l’occasion de votre départ, ou pour vous féliciter de vous en aller... » On sent, ici, l’ironie expectative du satiriste neutre. Ni le directeur du Nebelspalter, Paul Altheu, ni son dessinateur principal, Boscovits le jeune, n’interprètent entièrement les sentimens complexes et nuancés d’un pays aussi divers que la Suisse : toutefois, leur attitude mérite d’être notée.

Tout autre est celle des Etats-Unis, le plus puissant des neutres, et beaucoup plus marquée. Ses artistes ont, presque tous, pris le parti des Alliés, et avec une fougue et une verdeur d’expression, qui témoignent assez de leur foi ardente. Ils montrent volontiers les ombres de Washington et de Franklin, sommant l’Amérique de sortir de sa neutralité en faveur de la France. Que ce soit aussi en faveur du pays qu’ils ont combattu autrefois, voilà qui ne les trouble pas le moins du monde ! Ce n’est pas un Américain que l’historien teuton embarrassera d’objections historiques, — ou préhistoriques ! Le Life a trouvé une très ingénieuse image pour s’en débarrasser : c’est une chambre d’enfans, jonchée de jouets de construction