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La reprise de l’offensive russe en Arménie en est la première manifestation.


L’arrivée des Russes devant Erzeroum et l’assaut de la ville tiennent du prodige. Il faut dire que les troupes qui ont accompli ce fait d’armes appartiennent à ces corps du Caucase et de Sibérie que rien n’arrête, ni les neiges et les glaces de l’hiver, ni les chaleurs de l’été, ni les obstacles du terrain. Quand on pourra connaître en détail les batailles livrées par nos Alliés d’Orient sur cet immense front qui va de la mer Baltique à l’Arménie, une magnifique part sera réservée aux Caucasiens et aux Sibériens. Et leurs exploits ne sont pas terminés.

Il faut se rendre compte de ce qu’était la place forte d’Erzeroum et quelle forte organisation défensive les Russes ont si rapidement brisée.

La ville d’Erzeroum, qui est à l’altitude de 2 000 mètres, est située dans une de ces plaines, anciens bassins lacustres, fréquentes sur les hauts plateaux arméniens et anatoliens. La branche occidentale de l’Euphrate, ou Kara-Sou, y débouche de la montagne et coule à travers des marais qui couvrent au Nord l’accès de la ville. Erzeroum est adossée aux pentes du Devé-Boïnou, sur lequel s’élèvent les forts avancés de la place vers l’Est. Au Sud, les monts Palanteken se dressent à plus de 3 000 mètres de hauteur, dominant la plaine de 1 200 mètres. Entre les deux chaînes, une dépression ouvre la route de Kars sur la plaine de Passine.

La vue autour d’Erzeroum est magnifique ; les montagnes ont un aspect sévère et grandiose ; les villages apparaissent à demi cachés dans les rudes vallées. De nombreux ruisseaux descendent vers la ville à travers les rues elles-mêmes ; aussi l’eau ne manque pas, mais elle transforme la ville en un vaste bourbier ; les pluies passent en torrens. L’intérieur de la ville est par conséquent peu agréable ; l’absence de verdure aggrave l’impression de gris sale que donnent les maisons, mal construites en pierres volcaniques. Pourtant, de belles mosquées, des hammam et des soukh bien construits laissent à la ville cet éclat apparent qui caractérise les villes d’Orient. L’école Médrissa, avec ses portes ouvragées et ses deux minarets élégans et harmonieux, rappelle l’art arabe du XIIe siècle.