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la statue de Bartholdi ! Que feraient-ils sans elle ? On la voit submergée, engloutie par l’or que gagnent MM. Morgan, Schwab et Rockefeller, et pouvant à peine élever son flambeau par dessus le flot mortel, ou bien transformée en une vieille mégère, « la Liberté du commerce des armes qui rapporte gros » et ne tenant plus à la main qu’une lampe à pétrole, ou bien déboulonnée et remplacée par le Dieu du Profit, un vieux monsieur qui compte sur ses doigts... En vérité, on ne savait pas que les Allemands eussent, à ce point, le mépris des Affaires !

Mais il parait, aux yeux des assassins de Louvain, que l’Amérique en oublie tous ses principes d’humanité. « Vous priez, oncle Sam ? » demande le Michel allemand à Jonathan, qu’il voit à genoux, mains jointes, levant sa barbe de bouc vers le ciel. « Oui, je demande au Ciel que vous capturiez les canons que j’ai vendus aux maudits ennemis de l’Allemagne. » — « Ah ! et pourquoi demandez-vous cela ? » — « Pour que je puisse leur en vendre encore davantage... » En effet, on voit le président Wilson, dans le Simplicissimus, proposer des obus à des généraux français, en qui l’on retrouve assez exactement reproduit le type du général de Galliffet. Sur l’obus on lit : « Cause beaucoup de douleur » et le président ajoute : « Vous comprenez, naturellement, que plus l’agonie produite par mes obus est douloureuse, plus ils coûtent cher. » Ou encore, il s’adresse à un officier anglais, assis sur une table, en train de fumer sa pipe et lui présentant un obus, emmailloté dans du papier, il lui dit : « Voici un nouveau modèle d’obus. Il est enveloppé dans un petit bout de protestation, mais vous ne devez pas la prendre très au sérieux. » Aussi, qu’arrive-t-il ? Un Allemand, gisant sur le champ de bataille, retrouve un morceau de l’obus qui l’a frappé à la tête et y lit : Braves Allemands, nous prions pour vous ! Fabrique de munitions de Jonathan-Amérique. Quelle hypocrisie ! pense le lecteur d’outre-Rhin. Et il se pâme encore devant cette image de l’Amérique neutre : Jonathan, qui a fabriqué des faulx, en offre une à la Mort en échange d’un sac d’écus, et l’homme à la bannière étoilée lui dit doucement : « Madame la Mort, ne croyez pas que je cherche seulement à gagner de l’argent. Je vous vends cela seulement pour que vous ameniez la Paix... »

Après des satires aussi sanglantes contre tout le mo de, — y compris les Neutres, — il ne restait plus aux Allemands que