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La présence de l’ancienne alliée aux côtés des amis du Droit a déchaîné toutes les calomnies. « A-t-il signé ? » demande le soldat français à son camarade anglais, derrière un petit bersaglier qui est en train d’écrire, avec application, ces mots : « Pas de paix séparée. » — « Yes, répond le highlander. — Alors, surveillez-le avec un soin tout spécial ! » Enfin, le Kladderadatsch, en figurant « Noël dans les Dolomites, » évoque un paysage de montagnes et de neige où s’ensevelissent, selon son espoir, tous les espoirs italiens.

Même affectation de mépris à l’égard des Japonais, tant loués pourtant, jadis, par le parti militaire allemand. Ils sont devenus des sauvages, des singes, des monstres aux dents acérées, dont la fureur, d’ailleurs, est impuissante. Une grande planche, d’une assez belle allure décorative, a paru dans le Simplicissimus, tout au début de la guerre : c’était un chevalier immobile dans son armure, planté sur un rocher, tenant d’un bras de fer, bien horizontal, le pavillon allemand, tandis que des vagues furieuses se recourbent autour de lui et la crête écumeuse des vagues est faite de têtes féroces, à faces simiesques, les lèvres retroussées sur les gencives, montrant les dents... C’était l’Allemagne à Kiao-tchéou. Un autre dessin nous transportait dans un jardin zoologique. A travers les barreaux d’une cage, on voyait des macaques nippés de costumes européens, qui se divertissaient en compagnie d’autres singes sans costume. Et la légende disait : « On demande que les Japonais résidant présentement en Allemagne soient enfermés dans les jardins zoologiques. On ne tiendra aucun compte des protestations des chimpanzés. » La victoire des Nippons a mis un terme à ces singeries.

De telles aménités, quelque mauvais goût qu’elles révèlent, se conçoivent encore quand elles s’adressent à des pays en guerre avec l’Allemagne. Elles surprennent fort quand elles s’adressent à des Neutres. C’est un fait, cependant, que les États-Unis ne sont pas mieux traités, par les satiristes allemands, que les pays belligérans eux-mêmes. Ils sont considérés, d’ailleurs, comme belligérans en quelque manière, car on les accuse de forger l’arme des Alliés, en échange de leur or. L’Or ! le Dollar ! les Affaires ! le Profit ! Quelle honte chez le peuple de la Liberté « éclairant le monde ! » Ah ! elle est bien précieuse aux caricaturistes de la Jugend ou du Kladderadatsch,