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britannique en serrant le poing, — tandis que Pallas Athéné, debout, lance en main, se profile, dédaigneuse, sur la mer...

Alors, que faire ? Se cacher, se dissimuler sous les pavillons neutres, renier ses couleurs, pensent les Lustige Blaetter et autres feuilles comiques. Il est impossible d’altérer plus délibérément la vérité, car tous les faits constatés jusqu’à ce jour mettent précisément à la charge des marins allemands les procédés de dissimulation et de « camouflage » qu’ils feignent de reprocher aux Anglais. Mais, une fois le point de départ admis, les feuilles satiriques ont un champ immense à exploiter. C’est, pour elles, un inépuisable sujet de sarcasmes. On voit le patron d’un navire marchand anglais, en face d’une collection complète de masques : le haut de forme étoile du Yankee, le bonnet de la Hollandaise, l’immobile peau jaune du Céleste, et se disant : « Aujourd’hui, il faut que je traverse la mer d’Irlande : lequel de ces masques neutres doit prendre un vieux marin honorable ? » Ou bien, tout nu, aux bains de mer, John Bull cherche parmi les drapeaux des nations, qui sèchent au soleil, celui qui couvrira le mieux sa vilaine académie. Ou encore, c’est la vieille Albion, en haillons, qui sort de sa cabine, et se plaint ainsi : « Vraiment, je ne peux plus sortir avec ces oripeaux dégoûùtans... — Courage, Britannia, volez-en de meilleurs ! » lui crie Churchill, en lui montrant les costumes des neutres, qui se balancent, séchant au vent. « Quel habit choisirai-je pour qu’on ne me reconnaisse pas ? » se demande, perplexe, John Bull, chez un fripier. « Pourquoi ne vous habillez-vous pas en gentleman ? » répond l’autre, goguenard. Enfin, la Jugend a trouvé le meilleur moyen d’échapper aux sous-marins allemands : c’est d’embarquer, à chaque voyage, trois comparses américains qui protégeront les passagers anglais et la contrebande de guerre. Sur le pont du paquebot, près de la cloison où on lit : Attention ! Minutions ! le capitaine crie à son second : « Tout est-il prêt ? — Non, monsieur, répond le second, les trois Américains, en extra, ne sont pas encore à bord. » En effet, on les voit, sur la passerelle, leur sac de voyage et le drapeau étoile à la main, qui n’ont pas encore atteint le navire.

Quant aux Zeppelins, c’est le Simplicissimus qui a découvert quel procédé doit employer « la perfide Albion » pour exciter contre eux l’indignation publique. Il a représenté une ville maritime