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l’autre. « Non, vous ne m’avez pas compris. L’Angleterre court les plus grands dangers. Il faut vous enrôler, tout de suite. — Non, dans ce cas, c’est trop dangereux pour moi, » rétorque le drôle. Quels soldats peut-on faire de telles recrues ? Le Punch nous le dit, dans un dessin où il s’est diverti à exprimer le sentiment allemand sur l’armée anglaise. Une troupe britannique est installée autour de marmites fumantes, les joues gonflées de victuailles. Une estafette arrive, à motocyclette, et tend un pli à l’officier, en lui disant : « Ordre du quartier général. L’attaque doit commencer tout de suite. » L’officier, aux longues dents, qui tient d’une main le biscuit où il a mordu largement et de l’autre un pot de bière, s’indigne : « Quoi, à l’heure de notre dîner ? » C’est intitulé : « La vérité telle qu’elle se reflète dans l’art allemand, » et le Punch ajoute : « Ce tableau, dessiné par un artiste de Potsdam et destiné à représenter l’absence de dévouement au devoir dans les rangs de l’Ennemi, a été substitué, par le censeur impérial allemand, à une sotte satire sur les méthodes militaires allemandes. » Le journal anglais, en supposant ainsi que son numéro a été rédigé par l’autorité germanique, nous résume, d’un seul trait, des centaines de caricatures allemandes sur le même sujet et montre, du même coup, quelle source de gaieté elles sont pour nos Alliés.

Ainsi, selon l’humoriste teuton, les volontaires anglais ne suffisent pas à lutter contre l’Allemagne. Alors, on fait appel aux colonies. Un kangourou s’élance sur une page de l’Ulk, intitulée : le Dernier espoir de l’Angleterre. Un kangourou, cela ne paraît pas bien dangereux, mais regardez bien : dans sa poche abdominale, il loge deux petits soldats en béret écossais, qui, clignant de l’œil, visent l’ennemi, et cela s’appelle : l’Australie sur le front. On descendra plus loin encore dans l’échelle des êtres : Après la chute de Maubeuge, dit le Simplicissimus, voici l’Anglais désemparé, meurtri, qui parlemente avec des nègres féroces. « L’orgueilleuse Albion a encore une ressource pour l’aider, elle et ses alliés. Elle mendie l’appui des Basutos, et leur chef Billy-Billy promet de débarquer à Marseille avec cinq cent mille hommes. » Il en vient de partout, des Boschimans et des Maoris, des Achantis et des Botocudos. C’est avec cela que le pays de Bacon et d’Herbert Spencer, s’écrie le Teuton, défend la civilisation et la pensée libre. Hourra ! voici les noires légions du désert, qui vont