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LA
CARICATURE ET LA GUERRE

II [1]
EN ALLEMAGNE ET CHEZ LES NEUTRES


I. — EN ALLEMAGNE

L’Allemagne, en 1914-1916, a-t-elle été en guerre avec la France ? Un archéologue, qui n’aurait pour se guider, dans quelques milliers d’années, que les caricatures allemandes, — comme il arrive aujourd’hui qu’on ne possède sur un évènement de l’ancienne Egypte, qu’une suite de dessins sur un papyrus, — pourrait se poser la question. Non que les feuilles satiriques d’outre-Rhin se soient désintéressées de la guerre. Tous les crayons ont été mobilisés sur-le-champ, toutes les plumes et tous les pinceaux, des Lustige Blaetter et du Kladderadatsch de Berlin à la Jugend et au Simplicissimus de Munich. Pareillement, la Muskete et le Kikeriki de Vienne et d’autres moins célèbres, comme l’Ulk de Berlin et le Wahre Jacob de Stuttgart et même le Brummer, ont donné. Tout ce qu’on peut inventer de drôle, sur les bords de la Sprée, a été réquisitionné par l’autorité supérieure, et, aussi, ce qu’on peut imaginer de tragique pour épouvanter l’ennemi : les fantômes au gantelet de fer, un peu démodés depuis les Burgraves, les diables cornus du temps de Grünewald ou de Martin Schongauer, les vieux dieux sont sortis de leurs obituaires ; Breughel et Albert Dürer,

  1. Voyez la Revue du 1er juin.