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troublé par ses dissensions intérieures, mais parce que les Turcs pouvaient aborder la province transcaucasique aussi bien par l’Azerbeidjan persan et Tauris que par les routes directes de Kars et d’Erivan.

Ces deux villes de Kars et d’Erivan devaient fatalement attirer l’offensive turque : elles sont les deux capitales de la partie de l’Arménie cédée aux Russes par le traité de Berlin de 1878. La masse principale de l’armée turque se concentra assez rapidement au Nord-Est d’Erzeroum sur les routes de Kars et d’Ardahan. Elle attaqua vigoureusement, dès la fin de décembre, l’aile droite russe. Le Ier corps turc entrait à Ardahan, tandis que les IXe et Xe corps débouchaient brusquement sur Sarykhamich, au Sud-Ouest de Kars, tournant et prenant à revers le centre russe qui s’était avancé sur la route d’Erzeroum jusqu’à Kepri-Keuï et qui était aux prises avec le XIe corps. On reconnaît la méthode allemande cherchant l’enveloppement de l’aile et se rabattant par une large conversion sur le centre.

« La bataille s’engagea, dit la relation que nous avons sous les yeux, au milieu de tourmentes de neige et sous un vent glacial. » Le commandement russe sut habilement profiter des intempéries et de la montagne pour faire rétrograder ses troupes, avant qu’elles fussent cernées. La résistance héroïque des arrière-gardes retarda les Turcs, qui montrèrent cependant beaucoup d’impétuosité, et permit aux Russes de ramener leurs réserves et de contre-attaquer. Ils foncèrent sur le IXe corps turc, qui fut à peu près anéanti, puis sur le XIe, qui s’était avancé près de Sarykhamich et fut écrasé à son tour. « Le 15 janvier, la victoire russe était complète. » Les Turcs reculaient en désordre sur Erzeroum. Cette éclatante victoire n’eut d’autre résultat que de briser l’offensive turque. Les Russes ne purent poursuivre leur succès et essayer de s’emparer d’Erzeroum : leurs effectifs n’étaient pas suffisans et l’hiver était rigoureux. En outre, des forces turques s’étaient avancées dans l’Azerbeidjan et avaient occupé Tebris (Tauris). Elles n’y restèrent pas longtemps : les Russes les en expulsèrent dès la fin de janvier. Mais la situation en Perse devenait préoccupante. Les agens allemands y excitaient depuis longtemps les passions hostiles aux Russes et aux Anglais, et l’entrée en ligne de la Turquie risquait de soulever le monde musulman.

C’est bien ce qu’avait espéré la politique impériale. Le jour