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Je sais bien ce qui manque. C’est le foyer auquel s’entretenait notre énergie. C’est l’ardente jeunesse qui nous communiquait son mouvement, son goût de la vie et nous entraînait vers l’avenir d’une course si rapide que le temps ne restait pas de regarder en arrière et de s’attarder dans la contemplation du passé.

On s’en aperçoit dès que l’un de nos jeunes gens, permissionnaire ou blessé convalescent, traverse le Palais pour une courte visite. C’est une minute de joyeux oubli. Un pas alerte a retenti sur les dalles. On regarde. C’est l’uniforme bleu horizon. Trois galons. La vareuse chamarrée : Croix de guerre, Légion d’honneur. Un tout jeune visage éclairé d’un large sourire. Eh quoi ! serait-ce X... ? Oui, c’est lui ; c’est ce stagiaire d’hier qui donnait par ses inexactitudes et ses fantaisies tant d’occupation au bâtonnier et qui là-bas, au feu, s’est conduit en brave. Il est mieux qu’absous de ses peccadilles : on l’entoure, on le fête. Les questions pleuvent. « Qu’a-t-il fait ? d’où vient-il ? Verdun ? les tient-on ? Quand repart-il ? » Et lui rit de bonne et franche gaieté. « Si on les tient ! rien n’est à craindre : on les aura, a dit Pétain : c’est mieux, on les a. » Et de rire encore. Les mains s’étreignent : on se quitte, on a de la chaleur pour tout un jour, surtout si rien ne vient remettre en la mémoire les noms de ceux qui, dans les mêmes conditions, sont venus prendre l’air du Palais, sont repartis et qui, trois jours après...

Fini donc le concours de la Conférence. Arrêté le flot des robes noires qui, sur les épaules des stagiaires, s’engouffrait le samedi dans notre Bibliothèque pour assister au tournoi d’éloquence où se trouvaient chaque année aux prises une centaine de candidats pour la conquête des douze places de secrétaires de la Conférence. Être des douze : quel orgueil ! N’en pas être : quelle déception ! Être des douze : c’est-à-dire être appelé l’année suivante à constituer aux côtés du bâtonnier le jury de jugement des nouveaux candidats. Être des douze dans cette promotion qui, de tout temps et depuis que la Conférence existe, se proclame sans modestie la grande promotion des dix dernières années. Et, parmi les douze, venir en tête, être des deux premiers, avoir en perspective l’honneur, à la rentrée prochaine, de prendre la parole après le bâtonnier, en présence du Conseil de l’Ordre, devant tout le barreau assemblé, pour y