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Comment a-t-on fait ? Tout le monde s’y est mis. Plus de jeunes gens ; mais les femmes et les anciens. La loi, qui a admis les femmes à l’exercice de la profession d’avocat, n’a plus depuis la guerre de détracteurs au Palais. Nos confrères femmes se sont prodiguées. Elles ont assuré en grande partie le service de la défense devant les Conseils de guerre. Elles l’ont fait à la satisfaction de tous, et l’hommage rendu à leur intelligence, à leur assiduité, à leur dévouement a été général. Elles ont ainsi conquis le droit de cité qu’avant la guerre quelques- uns leur refusaient encore. Il faut le dire aussi bien de celles qui se montrent rarement au Palais que de celles qui suivent les audiences. Car nous savons que les premières n’ont quitté la robe d’avocat que pour prendre la blouse d’infirmière, ou se consacrer avec un complet désintéressement à des ouvroirs et à des soupes populaires. Elles ont été toutes, chacune à sa façon, de bonnes ouvrières de la défense nationale.

D’autre part, les anciens de l’Ordre se sont spontanément offerts, et chacun d’eux a tenu à honneur de réclamer son dossier d’assistance judiciaire. Il en est plus d’un qui pour l’exemple est sorti de la retraite. Des voix qu’on n’avait pas entendues depuis dix ans à la barre se sont élevées pour répondre par le sacramentel : « Aux ordres du Tribunal, » à l’appel d’un placet rouge, couleur réservée à l’Assistance judiciaire ; et j’ai vu les magistrats lever des yeux étonnés pour s’assurer que leur oreille ne les avait pas trompés et que c’était bien, chargé d’honneurs et d’années, un des doyens de l’Ordre qui était à la barre, apportant à un indigent le concours qu’un riche n’aurait pas obtenu.


Dans cette vaste jachère, la récolte devait être et fut maigre pour la chronique judiciaire. L’attention publique n’était pas tournée vers le Palais, et rien n’était de nature à l’y ramener. Dans le cours de ces deux années, deux fois seulement les curieux d’audiences à scandale purent croire qu’un régal se préparait pour eux, et qu’à défaut de la Cour d’assises le Conseil de guerre le leur offrirait, On se précipita aux premières audiences du procès Desclaux et du procès des réformes frauduleuses. Grandes affaires, croyait-on. Il fallut déchanter.

Une affaire criminelle ne se classe parmi les causes célèbres