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pas à confirmer que les opérations prenaient une certaine ampleur et que les colonnes russes non seulement poursuivaient les Turcs, mais s’étendaient vers des objectifs définis : Trébizonde, Erzindjian, Bitlis. Était-ce le prologue de la libération de l’Arménie et d’une avance stratégique en Asie Mineure ?

Avant d’examiner les perspectives que peut ouvrir la marche en avant de l’armée du Caucase, il n’est pas sans intérêt de résumer ce qu’elle a fait depuis le début de la guerre. Ce sera rendre un hommage mérité aux exploits des vainqueurs d’Erzeroum.


Lorsque la Turquie, déjà germanisée, prit parti pour les Empires du Centre, ses armées, à peu près organisées par Enver pacha et le général allemand Liman von Sanders, étaient réparties, comme d’habitude, en Thrace, autour de Constantinople, en Syrie et Mésopotamie, en Arménie, en Arabie. Nous ignorons s’il y eut alors un plan germano-turc en vue d’une offensive contre l’Egypte, qui aurait pu être tentée à la faveur de la surprise causée par la détermination de la Turquie. D’ailleurs, l’Angleterre prit ses précautions ; elle n’eut pour cela qu’à arrêter les contingens coloniaux qui transitaient par le canal. Et nous savons que la flotte alliée essaya de forcer brusquement les Dardanelles dès le mois de i novembre 1914. A peu près à la même époque, un corps expéditionnaire anglo-indien débarquait à Koweït et s’emparait rapidement de Bassorah, menaçant Bagdad.

Les Turcs durent, par conséquence, s’opposer à la double attaque, très logique, qui visait Constantinople et Bagdad, les deux têtes de l’Empire ottoman. Entre les deux, ils pouvaient redouter une offensive des Russes du Caucase sur l’Arménie, champ de bataille traditionnel. Or, c’était de ce côté qu’ils disposaient de forces importantes, trois corps d’armée, les IXe, Xe et XIe ; ils les renforcèrent du Ier corps et d’une division du XIIIe corps, portant ainsi leurs effectifs à plus de 150 000 hommes.

L’armée russe du Caucase avait été sans doute réduite au profit des armées de Pologne et de Galicie, déjà engagées dans de terribles batailles. Elle avait une mission plutôt défensive, tant du côté de l’Arménie que du côté de la Perse. Non pas qu’elle eût à craindre une agression de ce dernier pays, très