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quelques-unes ricochent jusqu’à la Cour elle-même. Son ordonnance a été critiquée par les juristes qui voudraient élever la sérénité du magistrat au-dessus de tous les conflits. Elle a plu aux braves gens d’esprit plus simple qui aiment la vigueur dans la légitime défense et qui ne comprennent pas qu’on applique avec élégance l’algèbre du droit à des ennemis qui ont pour règle la violation des traités et des lois. Ceux-là louent le Président du Tribunal de la Seine et lui savent gré d’une énergie que n’a pas abattue la plus douloureuse des épreuves personnelles. En compensation des commentaires inévitables de la Salle des Pas-perdus, M. Monier a eu pour lui l’opinion publique et une bonne presse. Ceci vaut bien cela.


Dans cette timide reprise de la vie du Palais, le principal élément devait être fourni par l’Assistance judiciaire : clientèle exigeante qui n’aime pas et qui ne doit pas attendre, soit qu’il s’agisse de pourvoir à la défense d’un accusé, soit que le débat n’ait que le caractère civil.

L’influence de la guerre s’est ici fait sentir pour augmenter notablement le nombre des affaires criminelles et correctionnelles, pour réduire au contraire celui des affaires civiles. Si on compare deux périodes consécutives de dix-huit mois, celle qui précède immédiatement la guerre (1er janvier 1913 au 31 juillet 1914) et celle qui la suit (1er août 1914 au 31 décembre 1915) le chiffre des affaires criminelles et correctionnelles passe de 12210 à 17 350. Le chiffre des affaires civiles s’abaisse de 16 710 à 6 700.

Ce second résultat n’est pas pour surprendre : il a son explication dans les faits que nous avons déjà notés.

Le premier pourrait prêter à l’erreur et faire supposer un accroissement de la criminalité depuis la guerre. Il n’en est rien. La Cour d’assises ne tient plus qu’une session sur deux. Les quatre Chambres correctionnelles sont réduites à deux. Mobilisation, état de siège, police plus sévère ont eu raison de nos apaches. Le gros contingent que nous avons chiffré est fourni par les trois Conseils de guerre qui siègent en permanence, et la plupart des prévenus ont à répondre de délits militaires.

Et chacune de ces affaires a eu son avocat !