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momentanément le manque à gagner en Belgique et en Pologne. Elle ne perdrait rien pour attendre.

Est-il possible qu’on laisse une guerre pareille se clore sur un avenir aussi sombre et aussi incertain ? Et quoiqu’on puisse dire que tout se réglera sur les grands fronts de France et de Russie, et que, le jour où nous serons sur le Rhin, et les Russes sur l’Oder, la question d’Orient sera résolue comme celle d’Alsace-Lorraine, il semble, à considérer les rudes batailles qu’il faudra livrer encore contre les fils de fer barbelés et les barrages de projectiles qui continueront à couvrir les lignes successives de résistance des Allemands, que les Alliés aient le plus grand intérêt à s’assurer aussi les positions nécessaires en Orient et à y frapper l’adversaire au point qui lui est peut-être le plus sensible.

Sans préjuger et sans contredire surtout les probabilités de l’offensive générale qui, nous l’espérons, dans le courant de l’été, se déploiera sur tous les fronts à la fois, et dont la menace inquiète déjà les Impériaux, on ne saurait trop répéter et faire comprendre à l’opinion publique, — qui, malgré les blancs de la censure, veut et peut être informée et exerce encore quelque action, — qu’il faut libérer cet Orient de l’emprise germanique et y assurer, comme ailleurs, les bases essentielles de la victoire européenne et de la paix mondiale !

C’est pourquoi, même au milieu du fracas de la canonnade de Verdun, nous devons ne pas oublier ce que représentent Salonique, Erzeroum et Bagdad dans les prochaines et décisives opérations.


La prise d’Erzeroum fut une surprise pour les belligérans. En plein hiver, la grande place forte d’Arménie enlevée d’assaut par une armée dont on ne parlait guère depuis un an, les Turcs en déroute ! l’événement excitait un grand enthousiasme en Russie et chez les Alliés, et déconcertait les projets plus ou moins sérieux des Impériaux contre Salonique et contre l’Egypte.

Le réveil soudain de l’armée du Caucase, qu’on pouvait croire en quartiers d’hiver dans ces rudes régions, ouvrait-il une campagne nouvelle, préméditée et à longue portée, ou n’était-ce qu’une attaque brusquée dont les suites ne dépasseraient pas l’enlèvement d’Erzeroum ? Les bulletins ne tardèrent